L’agilité dans l’entreprise, on en parlait. Elle est devenue un sport quotidien. Au regard de la montée des incertitudes (sanitaires, géopolitiques et autres), une question se pose : comment trouver la force pour y faire face ? Le stoïcisme fait partie des courants philosophiques qui nous invitent à accepter ce qui ne peut être changé et à se focaliser sur ce qui peut l’être. Concrètement, cette vision philosophique pourrait s’incarner dans deux postures de la vie professionnelle comme personnelle.

1. Admettre que l’incertitude est un ingrédient naturel

Un environnement certain nous placerait dans une posture passive et routinière parce que le choix serait tellement évident qu’il n’y aurait rien à décider, simplement à exécuter de manière quasi-robotique. Parce qu’elle nous confronte à des situations à penser, l’incertitude est ce qui nous permet d’être pleinement humains. Il ne s’agit pas de la glorifier, il s’agit de l’accepter comme un élément naturel de la vie et de considérer, par exemple, que les éprouvantes périodes de pandémie nous confrontent « simplement » à un niveau d’incertitude plus élevé qu’à l’accoutumée.

Accepter l’incertitude c’est s’évertuer à voir ce que les situations inédites et imprévues peuvent nous apprendre sur nous et sur notre rapport au monde. Le télétravail contraint a permis de mieux apprécier les marges de manœuvre en termes de conciliation des vies professionnelle et personnelle mais également les limites de la relation virtuelle, et notamment les risques d’isolement et de désocialisation. De la même façon, l’enseignement à distance consécutif à la fermeture des universités durant l’année 2020-21 a permis à nombre d’intervenants dont je fais partie de découvrir des applications de travail collaboratif qui se révèlent intéressantes également en présentiel. Cette période de fermeture universitaire m’a aussi donné l’occasion d’apprécier la belle acceptation stoïcienne de l’incertitude par une promotion d’étudiants en licence professionnelle RH qui avait publié sur LinkedIn un post intitulé LOIN DES YEUX, PRÈS DU CŒUR (placé dans une fenêtre d’un écran en visio, chaque étudiant tenait dans sa main une lettre du message). Ils ne savaient pas quand on allait se revoir, mais ils savaient qu’on pouvait préparer le moment des retrouvailles et apprendre à travailler à distance (par exemple, en allumant les webcams, en créant des activités team building, etc.). Chercher à compenser l’éloignement physique par un rapprochement des âmes : une façon éthique et efficace de faire preuve de résilience face à l’incertitude. Contrairement à ce qu’on pourrait parfois croire, accepter l’incertitude ce n’est pas s’y soumettre mais se donner les moyens de la surmonter avec douceur.

2/ Savoir se projeter pour mieux vivre l’instant présent

« Le sage est celui qui parvient à regretter un peu moins, à espérer un peu moins et à aimer un peu plus. » C’est par ces mots qu’André Comte-Sponville résume l’invitation stoïcienne à vivre dans l’instant présent. Focaliser notre attention sur le passé peut générer des sentiments de nostalgie (en cas de passé positif) ou de culpabilité (en cas de passé négatif). Focaliser notre attention sur le futur c’est tomber dans l’illusion d’un modèle qu’on idéalise. Pour éviter de perdre inutilement de notre capacité à être, le stoïcisme préconise de porter toute notre attention sur les situations présentes. Mais gare aux raccourcis. Vivre dans l’ici et maintenant, idée largement reprise dans les conférences et les écrits sur le développement personnel, ne consiste pas à agir sans perspective ni projet. Ne confondons pas le fait d’espérer, qui relève du registre de l’attente passive, avec le fait d’avoir des projets, qui s’inscrit dans une démarche active.

Paradoxalement, c’est quand l’horizon temporel se révèle particulièrement flou, mouvant et incertain qu’il est précisément important de se projeter. Car le meilleur remède face à l’angoisse du lendemain est l’action. Non pas l’action consistant à faire toujours plus de la même chose (le suractivisme n’est qu’une fuite en avant), mais l’action menée dans une perspective qui a du sens. Si le projet d’un formateur est de rendre ses interventions plus interactives, alors ce projet donne sens à son quotidien dans lequel il peut expérimenter de nouvelles approches. Nul besoin de se fixer des objectifs de grande ampleur pour trouver l’énergie nécessaire à affronter le réel. Autrement dit, c’est le fait d’avoir des projets cohérents – en phase avec ses désirs, ses talents et ses limites – qui favorise la réconciliation avec le réel et la plénitude du temps présent.

Ce qui est vrai à l’échelle individuelle l’est également à l’échelle organisationnelle. Pour se donner les moyens de faire face aux incertitudes, il importe (1) de les accepter en cultivant son agilité plutôt que de vouloir les anéantir à coup de règles bureaucratiques et (2) de vivre avec intensité les moments présents par le partage d’un projet commun donnant sens aux prises de décisions et aux actions.

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