Selon l’étude de Korn Ferry, la France manquera d’1,5 millions de salariés qualifiés d’ici 2030. C’est un chiffre qui commence à affoler de nombreux DRH et dirigeants qui sentent cette pénurie arriver à travers les difficultés actuelles de recrutement… mais aussi avec les nouvelles demandes des jeunes générations quant à leur aspirations professionnelles et leurs attentes sur les conditions de travail.

Les entreprises ont en effet du mal à recruter de manière double. À la fois car elles ont le sentiment ou la conviction que les candidats manquent de savoir-faire ou de de savoir-être mais aussi parce que les candidats sont aussi plus exigeants et attendent de l’entreprise des promesses et des changements réels dans certaines pratiques.

Un socle de relation par le digital

Ce sont des Digital Natives. La nouvelle génération, appelée génération « Z » (née après 1995), est née avec le numérique dans les mains, dans les oreilles et devant les yeux. L’ensemble de leurs activités sont digitales. On rencontre par le digital, on s’amuse avec des vidéos et des jeux dans le digital, on écoute de la musique via le digital, on parle à son banquier avec son smartphone, on commande au restaurant ou on se fait livrer en un clic. Bref, le socle de la relation de cette génération est avant tout digital.

Des attentes « aspirationnelles »

Bearing Point[1] a analysé les attentes de cette génération « Z ». Étude passionnante qui renvoie à un nouvelle perspective d’autonomie et de sens beaucoup plus marquée que chez les générations précédentes.

Trois attentes fortes ressortent de cette étude. Tout d’abord la volonté affichée d’un esprit entrepreneurial. Le monde libéral est passé par là et la figure de l’entrepreneur « rôle modèle » est aujourd’hui plébiscitée à la fois pour sa dimension charismatique mais aussi pour les perspectives financières qui y sont attachées. Cette volonté amène une notion de risque qui n’était pas si courante auparavant.

Le deuxième volet est celui, très contingent, d’une recherche de flexibilité hors des contraintes. Que ce soit pour concilier vie professionnelle et vie personnelle mais aussi de pouvoir travailler de n’importe où, prolonger un week-end, bref, l’idée qu’aucune contingence ne vienne bloquer le désir et les opportunités. Évidemment, la question du télétravail et du remote est au cœur de ces préoccupations, avec en toile de fond les horaires et le contrôle associé qui se doit d’être minimal.

Le troisième pilier est tout aussi essentiel : celui du sens. A la fois du besoin d’être reconnu, d’agir pour une cause qui transcende mais aussi d’appartenir socialement à un ensemble. La génération « Z » est également « Network Natives » et perçoit le réseau comme un élément clé de la relation dans l’entreprise.

Ces trois attentes perturbent de manière claire les fondamentaux de l’entreprise. Où placer le salariat dans un modèle entrepreneurial ? Comment donner de la liberté en fixant dans le même temps des règles communes ? Comment donner du sens quand on n’est pas encore une entreprise à mission ? Et comment socialement mixer dans le réseau de l’entreprise des attentes différentes de différentes générations ? Le tout dans le digital en première intention. Pas si simple. On comprend les interrogations des DRH sur le sujet.

Des leviers dans le digital

La génération « Z » vit dans le digital dans sa vie perso quotidienne et s’attend donc à retrouver les mêmes expériences « sans couture » concernant ses aspirations décrites précédemment. Les leviers sont nombreux, et même vertigineux, quand on voit que, pour tous ces usages, des centaines d’applications existent et se chevauchent… Par où commencer donc ? Quel parcours d’usage proposer ? On peut poursuivre le parallèle de la vie perso et du smartphone jusqu’au bout et se dire que la liberté de choisir telle ou telle application fait aussi partie du modèle de la génération « Z ». Ce n’est pas encore totalement intégré dans les entreprises qui veulent rationnaliser « ex ante »… mais est-ce une position durable ?

Pour répondre à ces trois grandes aspirations, les enjeux sont grands, à commencer par la mise en place de la collaboration et d’espaces d’innovation qui doivent, à l’instar des espaces d’innovation dans les locaux, être multiples et différents pour créer les conditions de génération créative. Si les salariés se pensent comme des entrepreneurs, il faut qu’ils aient des espaces digitaux à leur disposition, des espaces maniables, personnalisables où l’autonomie est la clé.

Ensuite, l’omniprésence du temps réel doit conduire à une évolution drastique du rapport au mail et passer à la communication « d’aujourd’hui » (l’arrêt du mail en somme). Ainsi, 61 % de la génération Z déclare que le mail est voué à disparaître pour être remplacé par la messagerie instantanée[2]. Ce nouveau mode popularisé par les messageries comme Whatsapp, Messenger, Signal, Télégram ou le français Olvid dans le grand public ont leur pendant dans le monde professionnel.

La puissance et la valeur

Enfin, l’environnement de travail, notamment numérique, doit être sain et puissant. Limiter la mémoire ou la place des disques durs voire la qualité des écrans revient à installer vos employés sur des petites chaises, entassés les uns sur les autres. Le digital aussi a besoin d’espace mais il est invisible… sauf pour le budget. C’est donc un rééquilibrage entre les investissements dans les locaux et ceux dans les outils numériques qui doit s’opérer à l’heure où le télétravail et le remote prennent de l’ampleur.

Ce qui conduit aussi à considérer la flexibilité entre vie personnelle et profesionnelle, à base de mobile et de tablette, pour proposer du « BYOD » (Bring Your Own Device) afin que le choix dans l’accès aux applications soit permanent où que l’on se trouve.

On a commencé ce voyage sur les attentes de la nouvelle génération par la liberté, alors terminons-le également par la liberté. Entre ces différentes dimensions, l’entreprise doit dans le même temps constituer par la force de sa mission, de ses objectifs et de sa culture, les conditions pour que cette liberté soit mise au profit de la réussite du collectif.

C’est sans doute là aussi où les outils numériques ont leur rôle à jouer dans la conduite du changement de cette culture.

Face à la pénurie, les entreprises qui mettront toutes les chances de leur côté en répondant aux attentes des nouvelles générations tout en préservant leur modèle culturel sauront résister. Les autres verront s’installer, sans comprendre un turnover rapide. On le voit déjà dans certains secteurs comme les ESN par exemple. Mais ce n’est pas une fatalité puisque les solutions digitales ne manquent clairement pas aujourd’hui.


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