Toutes les entreprises sont appelées à se transformer si elles veulent répondre à la double nécessité de productivité et d’adaptabilité qu’exige le monde actuel. Les modèles qui nous permettent d’être productifs, notamment ceux inspirés du taylorisme, montrent rapidement leurs limites lorsqu’il s’agit de s’adapter aux évolutions permanentes de notre environnement. S’adapter n’est en effet pas une affaire de processus, de modèles ou encore de normes mais davantage une affaire humaine. C’est en effet aux personnes d’adapter leurs actions à la réalité du terrain en prenant des initiatives, des décisions voire des risques. Et c’est tout l’enjeu de l’empowerment.

Certaines entreprises l’ont bien compris et cherchent à répondre à ce besoin en menant d’importantes transformations culturelles, managériales et organisationnelles. Elles souhaitent rendre les collaborateurs « acteurs », remettre le collaborateur « au cœur », favoriser « l’intraprenariat » ou encore appellent de leurs vœux plus de « responsabilisation de chacun ». Il s’agit bien là, finalement, d’empowerment, c’est-à-dire d’une démarche grâce à laquelle un individu ou un collectif obtient le « pouvoir d’agir » (Bacqué & Biewener, 2013). Cependant, l’empowerment de chacun ne doit pas venir masquer la responsabilité de tous. Patrick Bouvard nous le rappelle, l’empowerment repose sur un triptyque « confiance, autonomie, responsabilité ». Lorsqu’une direction d’entreprise fait ce choix pour ses équipes, elle doit porter la responsabilité qui lui incombe, à savoir celle de créer les conditions permettant à chaque collaborateur d’entreprendre. L’entreprise porte donc toujours une responsabilité dans cette démarche. Elle doit en effet en créer les conditions favorables, notamment en donnant les moyens à chacun×e d’agir, de prendre des initiatives, en un mot « entreprendre ».

Donner les moyens matériels et financiers à celles et ceux dont on attend un résultat peut effectivement sonner comme une évidence. Le meilleur boulanger du monde ne peut faire du bon pain en claquant des doigts ; il lui faudra nécessairement des ustensiles, des matières premières, un espace de travail mais aussi le temps nécessaire au repos de la pâte et à la cuisson. Donner les moyens et respecter le temps nécessaire à la réalisation des activités est donc essentiel si l’on veut que quelqu’un réussisse la mission qui lui est confiée.

En revanche, donner des outils ne suffit pas si les personnes ne savent pas les utiliser. Avoir les compétences requises pour mener à bien la mission confiée est nécessaire pour tout type de métier, qu’il soit question ou non d’empowerment. Cependant, exercer son métier avec davantage d’autonomie peut nécessiter également de développer des compétences spécifiques. « Dans les perspectives néolibérale et social-libérale, l’empowerment implique le développement d’une capacité d’action individuelle reposant sur une capacité à faire des choix rationnels, utiles, effectifs ou intentionnels. » (Bacqué & Biewener, 2013). Appeler à l’empowerment de ses équipes ne suffit donc pas, il faut s’assurer qu’elles en aient les compétences et à défaut les développer.

Si la formation, l’accompagnement, le développement des compétences et l’outillage des personnes dont on attend qu’elles prennent plus de responsabilités est nécessaire, pousser la pratique à son extrême en décrivant dans le détail l’ensemble des comportements attendus, des tâches à réaliser ou des procédures à suivre mène à une infantilisation qui va à l’encontre du but poursuivi. Bien sûr, outiller les managers de proximité pour qu’ils soient le relais de cette culture de l’empowerment passe par l’explication de ce qui est attendu d’eux : comment faire un feedback ? Comment organiser le travail de son équipe ? Comment déléguer ou encore gérer son temps et ses priorités ?... Cela peut prendre différentes formes : la formation, le partage entre pairs, le coaching… Cependant, il faut être vigilant et développer une vision holistique de cette politique d’accompagnement afin de ne pas tomber dans l’écueil de l’infantilisation en imposant une seule manière de faire, une seule « méthode » dans la logique de « command and control » que l’on essaie justement de dépasser. Ainsi, le partage de « tips and tricks » et de comportements « in and out » peuvent être des contenus facilement diffusables dans son organisation pour acculturer les personnes et les accompagner pas à pas à adopter de nouvelles manières de travailler à condition cependant de ne pas les ériger en tant que procédures à suivre à la lettre.

L’empowerment des équipes est donc un objectif louable pour une direction des ressources humaines qui chercherait à répondre au besoin d’adaptation permanente qui constitue un réel enjeu business. Accompagner ce changement repose sur un juste équilibre entre la responsabilisation des équipes à trouver pour elles-mêmes leurs propres solutions et sa propre responsabilité en tant que DRH de leur donner les moyens de ce faire. Il s’agit moins là d’une question d’outils et de méthodes d’accompagnement que de culture : quand celle que l’on a rentre en collision avec ce que l’on vise…____________________________________________________________________________________________________

Bibliographie :

  • Bacqué, M. & Biewener, C. (2013). L'empowerment, un nouveau vocabulaire pourparler de participation ? Idées économiques et sociales

Tags: Empowerment Adaptation Transformation