NDLR : Pendant le mois d'août, nous republions quelques-uns des articles les plus lus de l'année
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La pandémie mondiale de Covid-19 a obligé les entreprises à dépasser certains schémas organisationnels bien établis. Télétravail généralisé, rupture des chaînes d’approvisionnement, réorientation des capacités industrielles… toute l’organisation est soumise à de profonds changements. La crise a également révélé au grand public le caractère stratégique de fonctions supports peu mises en valeur en temps normal. Supply chain et RH sont ainsi devenues les fonctions reines de l’adaptation à un environnement instable par nature.

La supply chain, une fonction stratégique à réinventer

La brutale paralysie du commerce international a poussé la fonction supply chain dans ses retranchements. Il a fallu dans un premier temps rétablir les chaînes d’approvisionnement, alors que les frontières étaient fermées et les transports à l’arrêt. Les photos de rayonnages vidés de leurs stocks de pâtes et de papier hygiénique ont fait craindre brièvement à un risque de pénurie. L’incapacité des pouvoirs publics à se procurer des masques de protection a achevé de rappeler l’extrême dépendance de certains secteurs d’activité vis-à-vis de l’approvisionnement en Chine.

Les analyses s’accordent sur le fait qu’il faut réinventer la supply chain pour mieux faire face, à l’avenir, à un évènement de l’ampleur de la pandémie. Les solutions proposées s’articulent généralement autour de solutions de bon sens, déjà adoptées dans certaines entreprises soumises à l’aléa permanent, comme le BTP ou l’agroalimentaire. On trouve parmi ces solutions, la priorité donnée aux circuits courts, le dédoublement des sources d’approvisionnement ou encore la collaboration entre différentes entreprises.

Le recours à des circuits courts d’approvisionnement par l’investissement local, c’est le choix stratégique adopté par Seqens. Le producteur de principes actifs utilisés par les grands laboratoires mondiaux a investi 290 millions d’euros dans ses usines françaises au cours des dix dernières années. Un pari payant à l’heure où l’extrême dépendance du monde à la fourniture de principes actifs par la Chine a été révélée par la crise. Comme le précise le PDG du groupe, Pierre Luzeau, « l’idée n’est pas de tout relocaliser mais (…) de relocaliser les chaînes les plus critiques. »

Le dédoublement des sources d’approvisionnement est quant à lui bien illustré par le cas de KP1. Le leader français du préfabriqué béton a investi lourdement dès 2013 pour la sécurisation de sa supply chain suite à la défaillance d’un fournisseur, qui avait menacé l’activité de l’entreprise. Le sourcing auprès de deux nouveaux fournisseurs avait alors permis de relancer la production rapidement, alors même que 60% des commandes de l’entreprise concernent des produits fabriqués sur-mesure.

La dématérialisation des tâches administratives a notamment permis aux fonctions supports de se consacrer à la relation client et de relancer plus vite ses opérations. Le Directeur de la supply chain KP1, Arnaud Dunis, expliquait en août dernier que « la crise sanitaire a été un accélérateur et nous avons atteints nos objectifs de transformation des processus plus rapidement ». Si l’entreprise a bien vu nombre de ses opérations arrêtées ou ralenties pendant le confinement, les bases de la reprise sont meilleures qu’il y a quelques mois encore. Comme toutes les entreprises KP1 aurait préféré éviter la crise mais, le leader du préfabriqué béton a su tirer des enseignements positifs de cet épisode.

Enfin, l’annonce de la fabrication de respirateurs artificiels commune à Air Liquide, Valeo, PSA et Schneider Electric est une illustration parfaite du principe de collaboration. La mise en commun de ressources et de compétences entre entreprises pour faire face à une situation de crise pourrait-elle déboucher sur la création d’un nouvel acteur économique pérenne ? Là n’est pas l’objectif, mais force est de rappeler que les crises sont un terreau fertile pour l’innovation.

Les RH à l’épreuve de la fragmentation des situations de travail

De l’innovation, la fonction RH en aura besoin pour faire face à la fragmentation des situations de travail. Il a fallu faire avec la généralisation en un temps record du télétravail, dans un environnement digital pas toujours adapté. Dans les secteurs où la continuation de l’activité en distanciel est difficile, l’adaptation du travail des salariés aux contraintes sanitaires a représenté un réel défi – impossibilité de se rendre sur le lieu de travail, fourniture d’équipements de sécurité individuels, etc.

Jusqu’alors l’apanage des start-ups ou autorisé au compte-gouttes dans certaines entreprises, le télétravail pourrait s’installer durablement comme méthode de travail dans nombre d’entreprises. L’avenir de la fonction RH résidera notamment dans la capacité des entreprises à trouver un équilibre entre télétravail et présentiel et à jongler avec les incertitudes liées à la situation sanitaire. Dans ce contexte, comme pour la supply chain, la digitalisation des fonctions RH s’avère indispensable. Les solutions foisonnent en matière de Système d’Information Ressources Humaines (SIRH), portées par un marché français estimé à 3 milliards d’euros avant la crise. Nombre d’entreprises sont directement concernées et une ETI comme KP1 a décidé de franchir le pas avec un certain succès. La French Tech est d’ailleurs en pointe sur ce sujet, avec plusieurs pépites – Néobrain pour l’analyse des compétences, Talentsoft pour la gestion dans le cloud – en forte croissance.

En termes d’agilité, la palme revient toutefois à Andjaro. Lancée en 2015 sous le nom de OuiTeam, la solution de pilotage des ressources humaines développée par l’entreprise pourrait répondre à ce besoin de flexibilité et d’adaptabilité sur le long terme. La start-up française a développé un outil permettant aux RH de piloter leurs effectifs en temps réel, et de pallier l’absence temporaire d’un collaborateur sans passer par un processus de remplacement chronophage. Une gageure, alors que les dispositifs de maintien et de relance de l’emploi se multiplient dans tous les secteurs et pour toutes les catégories de travailleurs.

Si le système actuel a montré sa capacité de résilience, la crise a toutefois montré la nécessité d’adapter rapidement et massivement ces deux fonctions charnières. Tout l’enjeu des mois à venir consiste donc à faire le bilan des solutions de secours adoptées durant la crise, et à en pérenniser certaines. Cet épisode accouchera de nouvelles pratiques de travail digitales et agiles dans des secteurs très divers. Une manière de se renouveler pour mieux affronter les défis d’aujourd’hui et de demain.

Tags: RH Supply Chain Covid-19