Dans le cadre d’une procédure disciplinaire, de nombreuses mésaventures peuvent accompagner la rupture d’un contrat de travail.

Ces problèmes auxquels font face les services de ressources humaines sont habituels. Ainsi, nos poils continuent de s’hérisser face aux difficultés rencontrées à respecter les différentes procédures existantes.

Nonobstant, nous pouvons reconnaître, avec une certaine fatalité, que certains processus manquent de clarté. Nul n’est censé ignorer la loi et pourtant, la loi n’est pas toujours accessible ni vulgarisée.

Les éléments qui suivent synthétisent les nombreux délais existants lors de l’initiation d’une procédure disciplinaire.

  1. Le délai de 2 mois pour engager une procédure disciplinaire

En tant qu’employeur, vous avez 2 mois, à compter de la connaissance des faits fautifs, pour débuter une procédure disciplinaire (Code du travail, L.1332-4). Ainsi :

  • Vous n’avez pas 2 mois pour prononcer une sanction, mais uniquement pour engager une procédure disciplinaire par la convocation du salarié à l'entretien préalable.
  • Le délai débute à compter “de la connaissance” des faits et non à compter de la réalisation du fait fautif. Un fait fautif peut donc être sanctionné dans un temps plus ou moins éloigné de sa commission par le salarié.

Ainsi, dans notre cas, nous visons la convocation à entretien préalable à une éventuelle sanction disciplinaire pouvant aller - ou non - jusqu'à la rupture du contrat de travail.

En effet, certains faits ne nécessitent pas toujours d’initier une procédure disciplinaire par la convocation à un entretien préalable : si la sanction envisagée est un avertissement ou une sanction de même nature n'ayant pas d'incidence, immédiate ou non, sur la présence dans l'entreprise, la fonction, la carrière ou la rémunération du salarié (Code du travail, L.1332-2).

Dans un tel cas de figure, vous n’avez que l’obligation d'adresser au salarié une lettre pour lui notifier la sanction dans un délai de 2 mois à compter de la connaissance des faits fautifs : la procédure étant considérée comme engagée le jour où le salarié se voit remettre en main propre la lettre. Si elle est envoyée en recommandé avec avis de réception, c’est le jour de notification de la lettre (la date d’envoi) qui marque l’engagement de la procédure (Circulaire DRT n° 5-83, 15 mars 1983).

Dans le cas d’une mise à pied conservatoire, le jour d’envoi de cette sanction interrompt le délai de 2 mois.

Une alerte est nécessaire concernant ce principe. Cette possibilité qui vous est offerte de ne pas convoquer le salarié à un entretien préalable n’est pas totale :

  • Le règlement intérieur ou un accord collectif peut vous obliger à devoir réaliser cette convocation et ce, qu’importe la nature de la sanction, voire - à titre d’exemple - subordonner le licenciement d'un salarié à l'existence de deux sanctions antérieures (Cass. soc., 3 mai 2011, n° 10-14.104).
  • Ainsi, lorsque le blâme ou l’avertissement a une incidence (immédiate ou non) sur la présence dans l'entreprise, la fonction, la carrière ou la rémunération du salarié, vous êtes dans l’obligation de convoquer le salarié à un entretien préalable avant de lui notifier une telle sanction.

Le règlement intérieur et les accords collectifs doivent être scrupuleusement respectés et étudiés en ce sens.

Il est nécessaire de préciser certaines spécificités qui accompagnent ce délai de 2 mois.

Quelques petites informations pratiques :

1) Il est possible de sanctionner au-delà du délai de 2 mois. En effet, rappelons que le délai débute “à la connaissance des faits fautifs”, connaissance qui peut se révéler tardive ou incomplète : le délai de prescription de 2 mois commence à courir à compter de la date à laquelle l’employeur a été pleinement informé de la réalité des faits (Cass. soc., 7 décembre 2016, n° 15-24.420). En outre, il est possible que vous n’ayez pas eu le temps d’initier une convocation à entretien préalable durant ce délai de 2 mois.

A condition que vous ne disposez d’aucun élément de preuve qui permettrait d’attester de manière totale que vous avez été pleinement et précisément informé que tel fait s’est produit à telle date donnée, vous pouvez justifier avoir eu connaissance des faits fautifs au-delà des 2 mois.

2) Si des poursuites pénales sont engagées au cours du délai de prescription de 2 mois (par exemple, le salarié fait l'objet d'une plainte pour vol en même temps qu’une procédure disciplinaire), ce délai de 2 mois est interrompu (Cass. soc., 6 déc. 2000, n° 98-45.772). La reprise de ce délai dépend si l’employeur est partie ou non au procès :

  • Si l'employeur est partie au procès pénal, le délai de 2 mois court alors à compter de la décision pénale définitive.
  • Si l’employeur n’est pas partie au procès pénal, le délai de 2 mois court à compter de la date de connaissance par l'employeur de l'issue définitive de la procédure pénale (Cass. soc., 15 juin 2010, n° 08-45.243). Il vous appartiendra d'établir la date à laquelle vous avez eu connaissance de cette issue définitive.
  1. La date d’entretien préalable à une éventuelle sanction disciplinaire

Un délai impératif de 5 jours ouvrables pleins et entiers doit s’écouler entre la convocation à l’entretien préalable et la tenue de cet entretien (Code du travail, L.1232-2).

Ce délai de 5 jours ouvrables et entiers s’avère traitre, notamment face aux délais postaux et aux jours neutralisés dans le cadre du décompte.

Quelques petites informations pratiques :

1) Un entretien préalable peut en théorie se tenir un samedi, mais à la seule condition qu’il s’agisse d’un jour travaillé dans l’entreprise. Dans le cas contraire, l'entretien ne pourra donc se tenir qu'à compter du lundi suivant (sauf si lundi férié ou chômé).

2) Afin d’éviter que l’entretien préalable ne puisse avoir lieu et doive être reporté en raison de la mise en arrêt de travail du salarié, veillez toujours à ce que l’entretien soit fixé à un horaire se tenant durant les heures de sorties du salarié. Pour rappel, les heures de présence du salarié à son domicile sont de 9 à 11 heures et de 14 à 16 heures (Code de la sécurité sociale, R.323-11-1).

Bien évidemment, l’entretien pourra se tenir sous réserve que l’arrêt de travail précise que l'état du malade autorise des sorties. Dans le cas contraire, vous serez obligé de reporter l’entretien préalable.

3) Lorsque vous envoyez la convocation à entretien préalable par lettre recommandée, l'accusé de réception vous informera à quelle date le salarié a reçu la lettre et donc, quand débute le délai de 5 jours ouvrables pleins et entiers.

Malheureusement, les délais postaux sont parfois irréguliers. Pour plus de sécurité lorsque vous entendez fixer la date à entretien préalable, il convient de privilégier une remise en main propre.

Dans le cas contraire, prévoyez une date d'entretien légèrement plus éloignée dans le temps pour que le délai de 5 jours ouvrables puisse s’écouler : comptez un délai de 3 jours entre l’envoi et la première présentation du courrier pour commencer à compter le délai de 5 jours ouvrables et ainsi fixer la date de l’entretien préalable. A titre d’exemple, vous pouvez aussi compter 13 jours calendaires entre le lendemain de l’envoi de la lettre recommandée et le jour de l’entretien.

4) L’adresse transmise par le salarié peut poser quelques soucis. La procédure est respectée et le salarié n'est pas tenu d’être convoqué à nouveau lorsque :

  • La lettre recommandée revient avec la mention « n'habite pas à l'adresse indiquée » alors que celle-ci correspondait aux indications fournies par le salarié.
  • La lettre revient car le salarié ne l'a pas acceptée (Cass. soc., 23 juill. 1990, n° 80-60.233) ou est dans l’impossibilité de la retirer.
  • Le salarié change d'adresse sans le signaler à l'employeur (Cass. soc., 26 févr. 1992, n° 88-44.441: en l’espèce, la salariée ne reçoit pas la lettre de convocation car s'absentant de son domicile, elle s'est abstenue de faire suivre son courrier et n'a pas tenu l'employeur informé de son lieu de résidence alors qu'elle se trouvait en cure).

En revanche, si l'employeur avait connaissance de la nouvelle adresse du salarié, la convocation à l'ancien domicile est irrégulière (Cass. soc., 23 mars 2005, n° 02-46.105).

  1. Les modalités de report de l’entretien préalable à une date ultérieure

Le report de l'entretien préalable au licenciement peut aussi se produire.

Lorsque le report est à la demande du salarié, le délai de 5 jours ouvrables qui doit séparer la convocation et l’entretien préalable court à compter de la présentation de la première lettre recommandée ou de la première remise en main propre de la lettre de convocation, et non de la seconde convocation (Cass. soc., 29 janvier 2014, n° 12–19872).

En outre, vous n’avez pas à renvoyer une lettre recommandée ou remettre à nouveau en mains propres une lettre de convocation : vous devez uniquement aviser, en temps utile et par tous moyens, le salarié des nouvelles date et heure de cet entretien.

A titre d’exemple, vous pouvez ainsi informer le salarié par mail de la date et heure de l’entretien.

Par sécurité, veillez à disposer d’un écrit du salarié demandant le report de l’entretien préalable, faire un accusé de réception d’acceptation de la demande et rappelé dans la nouvelle convocation cette demande de report à son initiative.

En revanche, la Cour de cassation ne s’est pas encore prononcée lorsque le report est à la demande de l’employeur, Il convient ainsi de respecter la procédure et le délai de 5 jours ouvrables pleins et entiers.

Il est possible de constater l'absence à l'entretien préalable et procéder à la notification de la sanction. Le défaut d'entretien, quelle qu'en soit la cause, ne rend pas la procédure irrégulière, dès lors que le salarié a été convoqué dans le respect des règles légales.

Par conséquent, si le salarié n'a pas demandé le report de l'entretien, vous pouvez continuer la procédure.

Attention tout de même : des stipulations conventionnelles peuvent prévoir des garanties de procédure. Ces garanties sont applicables uniquement si elles imposent le report de l’entretien préalable (Cass. soc., 6 avr 2016, n° 14-28.815 : en l’espèce, les stipulations conventionnelles applicables n'imposent pas à l'employeur à faire droit à la demande du salarié d’une nouvelle convocation).

  1. Le délai d’attente et le délai maximal pour notifier une sanction disciplinaire

A compter du jour de l’entretien préalable, deux délais débutent.

  1. Le délai d’attente : 2 jours ouvrables pleins et entiers

Le premier est un délai minima : vous êtes dans l’obligation de laisser écouler un délai de 2 jours ouvrables pleins et entiers entre le jour d’entretien préalable et celui d’envoi de la sanction disciplinaire (Code du travail, L.1332-2).

Le décompte se fait selon les modalités suivantes.

  1. Le délai maximum : 1 mois

Le second est un délai maxima : vous avez 1 mois, après le jour fixé par l’entretien préalable, pour notifier la sanction disciplinaire choisie qui peut-être un licenciement ou une sanction mineure (Code du travail, R.1332-2 et L.1332-2).

Le licenciement oblige à ce que la notification soit faite par lettre recommandée avec avis de réception (Code du travail, L.1232-6). L'envoi de la lettre de licenciement par courrier recommandé électronique est possible à la condition que le salarié ait donné préalablement son consentement pour recevoir un tel courrier dématérialisé (Décret n° 2018-347, 9 mai 2018 relatif à la lettre recommandée électronique).

Cette durée maximale de 1 mois existe uniquement lorsque le licenciement repose sur un motif disciplinaire. Attention tout de même : des dispositions conventionnelles applicables à l'entreprise peuvent prévoir un délai maximal de notification spéciale (Cass. soc., 13 févr. 2019, n° 17-13.749 : en l'espèce, 10 jours).

En effet, dans le cadre d’un licenciement non disciplinaire, aucune disposition légale ne fixe de délai maximal pour la notification. En outre, des stipulations conventionnelles peuvent prévoir des délais spécifiques. Il conviendra de se renseigner en ce sens.
En l’absence de stipulations conventionnelles et de dispositions légales concernant un délai maximal pour notifier la sanction, il est préférable de se calquer sur le délai existant de 1 mois en matière de licenciement disciplinaire.

Nota Bene :

1) Lorsque le licenciement disciplinaire concerne un salarié protégé, le délai de 1 mois pour notifier le licenciement ne court pas à compter de l'entretien préalable mais à compter de la réception, par l'employeur, de l'autorisation administrative de licenciement (Cass. soc., 28 oct. 2003, n° 01-42.404).

2) Un dépassement du délai (légal ou conventionnel) est possible lorsque les déclarations faites par le salarié lors de l'entretien préalable nécessitent des investigations complémentaires (Cass. soc,, 17 févr. 2013, n° 89-44.745 ; Cass. soc., 13 févr. 2019, n° 17-13.749).

3) En cas de nouvelle convocation du salarié à un entretien, cette dernière doit se situer à l'intérieur du délai d'un mois qui suit la date prévue pour le premier entretien. Cette situation peut se répéter en cas de nouvelle absence du salarié. L'entretien peut-être valablement reporté à plusieurs reprises dès lors que la ou les nouvelles dates sont fixées dans le mois qui suit celle précédemment prévue. Et c'est la date de l'entretien enfin réalisé qui fixe le point de départ du délai d'un mois pour notifier la sanction.

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