Les échecs de programmes de transformation sont souvent attribués, à tort ou à raison, au manque d’implication des collaborateur·rices. Ce constat a conduit bon nombre d’entreprises à implorer : « Soyez acteurs ! » marquant ainsi une volonté de rupture avec un temps où, visiblement, les collaborateur·rices, passifs, attendaient paisiblement la fin de la journée de travail. Et si le problème ne venait pas seulement d’eux ? Et si c’était à celles et ceux qui réclament cet engagement de se questionner sur ce qu’ils ou elles doivent mettre en place pour rendre ce rêve possible.

Les clés de l’action résident dans les liens !

La nécessité du concours de toutes les parties prenantes pour la réussite d’un projet constitue une évidence. Or pour s’engager, chacun·e doit trouver du sens dans le projet, avoir l’impression de pouvoir y contribuer et imaginer en tirer une forme de récompense morale et/ou financière. Favoriser l’engagement des salarié·es – que ce soit pour un projet, à l’échelle d’une équipe ou pour un plan de transformation, à l’échelle d’une entreprise - nécessite de créer les conditions du triptyque : sens, moyens, envie. L’existence de chacun de ces éléments a priori est cependant vaine si les collaborateur·rices n’en prennent pas conscience. Créer les conditions de l’engagement ne suffit pas, encore faut-il créer le sentiment que ces conditions existent. Or cette dimension est bien souvent négligée.

Il ne suffit alors plus de « dire » mais de permettre de comprendre. C’est-à-dire de permettre à chacun·e de « saisir par l'esprit, l'intelligence ou le raisonnement quelque chose, le sens des paroles, des actes de quelqu'un » (Larousse). Et cette compréhension réside dans les liens entre les choses. Listons, de manière non-exhaustive, certains liens qui devraient être mis en évidence pour favoriser l’appropriation et donc l’action.

  • Le lien entre le projet collectif et la stratégie de l’entreprise

Si vous êtes responsable du projet, vous connaissez certainement son origine. Vous avez d’ailleurs peut-être construit l’ensemble de votre projet dans une perspective : contribuer à la stratégie de l’entreprise. Ce lien, évident pour vous, ne l’est peut-être pas pour les collaborateurs·rices. Prendre le temps de raconter la raison d’être du projet permettra cette mise en perspective nécessaire à l’appropriation de son sens.

  • Le lien entre la finalité du projet et les décisions du quotidien

Nous naviguons en eau trouble, l’incertitude est permanente. Sans nécessairement changer de destination finale, nous devons régulièrement adapter notre trajectoire au gré des vagues. Cela nécessite d’expliquer les décisions prises au quotidien et montrer en quoi elles servent l’intérêt du projet. Cette pédagogie, sur le terrain et de manière régulière fait partie intégrante du rôle de manager de proximité qui doit s’assurer de garder le cap et de le transmettre aux équipes.

  • Le lien entre son action individuelle et le projet collectif.

La compréhension du projet et de sa raison d’être doit être complétée et enrichie en permettant à chacun·e de comprendre également comment y contribuer. Pour cela, il est alors nécessaire de changer d’angle de vue : ne pas parler uniquement du projet, mais bien de l’Autre dans le projet. Menée jusqu’au bout, cette réflexion aidera d’ailleurs chacun·e à se positionner et à orienter au mieux ses propres initiatives dans l’intérêt du projet collectif.

  • Le lien entre les moyens et le projet

Il semble évident que pour mener un projet, il faut des moyens (compétences, outils, budget, temps…), conduisant alors à définir une feuille de route, un plan d’accompagnement, des déploiements d’outils, etc. Cependant l’objectif, louable, poursuivi initialement finit souvent par se diluer dans des « boîtes à outils », listes de « bonnes pratiques » ou autres « offres de services » ne permettant ainsi pas aux bénéficiaires de comprendre en quoi l’outil déployé ou la formation proposée lui permettra de contribuer plus efficacement au projet collectif. Mettre en lumière la vision et la cohérence d’ensemble constitue parfois la dernière clé à activer pour éviter de gâcher tous ces investissements et bonnes intentions.

  • Le lien entre mon action et les bénéfices que je vais en tirer.

Il s’agit finalement de répondre à la question « pour quoi ? » et de mettre en avant les intérêts individuels et collectifs de l’engagement de chacun·e. Aucun de ces deux niveaux n’étant d’ailleurs à négliger : une entreprise qui ne mettrait en lumière que les intérêts personnels à contribuer au projet collectif se risque à créer des mercenaires ; là où une entreprise qui ne mettrait en avant que l’intérêt collectif oublie que l’humain s’engage pour quelque chose dont il espère obtenir un retour qui a de la valeur à ses yeux[1]. Ce lien, doit être fait de manière régulière : au début du projet, lors des feedbacks récurrents, au moment de l’évaluation individuelle etc.

Sans oublier que certain×es n’auront pas conscience de la nécessité de comprendre ces liens pour guider leur action dans une perspective commune, pensant que se concentrer sur son poste et son périmètre suffit. Ce lien-là sera lui aussi certainement à expliquer.

Faire la pédagogie, suppose d’abord de travailler sur soi !

Accepter que la clé de l’action réside entre autres dans la compréhension des liens, nous conduit à réaffirmer la nécessité de la pédagogie de ces liens. Et cette pédagogie relève à la fois de la responsabilité de la direction et de la fonction RH mais également de tout manager d’équipe et chef de projet. Cela suppose donc de ne pas s’arrêter à la construction du projet mais bien de le porter auprès des équipes en donnant les moyens à chacun·e de le comprendre. Et cet exercice, aussi complet que complexe, vient parfois chambouler notre culture, notre manière de faire et surtout nos habitudes bien ancrées, nous invitant alors à une prise de recul questionnant les schémas établis :

  • Transparence :

Parce qu’il n’est pas possible de comprendre sans d’abord apprendre - c’est-à-dire avoir été informé·e - la transparence est clé. Donner les moyens de comprendre suppose alors de rompre avec les modèles d’organisation habitués au contrôle, aux cloisons étanches et aux communications au compte-goutte et de s’ouvrir à l’Autre. En un mot, il s’agit de faire un pari : celui de l’intelligence de nos collaborateurs !

  • La vision d’ensemble :

Les yeux rivés sur le chemin et ses crevasses davantage que sur l’horizon et la destination, nous oublions parfois de replacer notre voyage dans le paysage. Si mettre en lumière les liens évoqués précédemment suppose évidemment de les connaître, nous ne pouvons pas non plus négliger l’importance de la prise de recul nécessaire à leur bonne restitution. À force de travailler sur le projet depuis sa création à son déploiement, nous noyons parfois notre discours dans des détails, là où il s’agirait plutôt de raconter l’histoire du projet de manière claire, structurée et synthétique.

  • L’empathie :

S’il ne s’agit pas de se mettre à la place de l’Autre, il s’agit néanmoins de s’intéresser réellement à l’Autre si nous voulons l’embarquer dans cette aventure collective. Identifier son positionnement, son niveau de connaissance actuel et prendre le temps de réexpliquer pour remettre en perspective et établir les liens. Le point de départ n’est plus le projet ou la stratégie, mais bien la personne à qui on s’adresse. Collaborateur, manager et autres parties prenantes deviennent des personnages incontournables de l’histoire que l’on souhaite raconter ensemble. Cela suppose une réelle empathie et une adaptation du discours à chaque interlocuteur.

  • Le temps :

Élément de tout projet et politique d’entreprise, le temps dont nous disposons constitue à lui seul une difficulté incontournable. Entre la rapidité de la vie des affaires, dans un monde de plus en plus contraignant, et le temps long des affaires humaines nous devons trouver le bon équilibre. Ne négligeons jamais ce paramètre : une communication peu soignée – sans parler de la bâcler – risque de réduire à néant tous les efforts menés pour rendre le projet possible. Un temps est nécessaire pour la pédagogie du projet et l’appropriation par les parties prenantes, reste à savoir trouver le bon dosage !

En résumé, agir dans l’intérêt d’un projet suppose de savoir ce qui est attendu de soi, d’avoir les moyens de le faire et d’en avoir envie. Être informé ne suffit alors pas pour réellement saisir le sens, encore faut-il comprendre les liens. Alors, pour que chacun·e puisse agir dans l’intérêt d’un projet, il faut lui donner les moyens de réellement le comprendre.


[1] Pour approfondir, les théories de la motivation https://storyrh.fr/2020/11/15/c-est-quoi-la-motivation/

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