N’avez-vous jamais rêvé d’avoir la recette ou le mode d’emploi de tout ce que vous entreprenez ? Savoir exactement quoi faire, quand le faire et surtout comment ! Nombre d’entre nous sont à la recherche de ces méthodes et outils miracles pour progresser sur un sujet donné, s’inscrivant en formation dans l’unique espoir d’obtenir ce graal. Mais parfois, la question est plus compliquée et ne tient pas dans une méthode aussi révolutionnaire soit-elle ! Il convient souvent, pour ne pas dire toujours, de dépasser les outils et les méthodes si l’on veut réellement se professionnaliser, progresser, apprendre et surtout entreprendre.

Quand l’incertitude permanente rend nos méthodes et outils obsolètes…

Les entreprises sont confrontées à de nombreuses contraintes, qui, bien qu’elles aient toujours existé, tendent à être de plus en plus pressantes et évoluent de plus en plus rapidement renforçant ainsi l’incertitude permanente dans laquelle nous sommes plongés. La crise de la COVID a marqué notre prise de conscience sur ces sujets bien qu’elle n’en soit pas la source unique. Dans un contexte où les changements sont permanents et de tout ordre[1], il n’est alors pas possible de croire que nos méthodes et outils, par nature conçus dans un cadre préalablement défini, puissent être la réponse à tous nos tourments. Les méthodes et outils sont par nature fermés et finis, ils ne s’adaptent pas seuls à une nouvelle contrainte qui n’aurait pas été anticipée au préalable. Or c’est pourtant bien le propre de l’incertitude : l’impossibilité de définir à l’avance de quoi seront faits les contextes de demain.

Croire que les méthodes et outils actuels sont obsolètes uniquement parce que nous n’avons pas encore découvert LA pierre philosophale est une illusion. Cette quête est ouverte depuis la nuit des temps et a un mérite : celui de nous faire prendre conscience qu’elle est vaine. La rapidité des changements auxquels nous sommes confrontés conduisent alors naturellement à rendre obsolètes quelque méthode que ce soit qui se voudrait universelle et intemporelle. La recherche de la méthode suprême est donc caduque.

Las de cette quête absolue, certains pourraient être tentés de crier « à mort les méthodes et outils ! Vive la liberté ». Mais l’attitude qui consisterait à nous détourner complètement de leur utilisation n’est pas satisfaisante non plus. Les méthodes et les outils, au-même titre que les procédures et processus, portent en eux plusieurs avantages :

  • D’abord un cadre, dans lequel nous pouvons nous exercer. Avant d’inventer ses propres recettes, tout×e chef×fe cuistot a d’abord suivi à la lettre les recettes de ces prédécesseurs.
  • Mais également l’efficacité – à condition bien sûr qu’ils soient utilisés à bon escient, c’est-à-dire dans les contextes pour lesquels ils ont été pensés. Si notre environnement est caractérisé par l’incertitude, il l’est aussi par la nécessité d’être compétitif et nous ne pouvons-nous affranchir d’une démarche tournée vers l’efficience. Renier complètement ces méthodes et outils reviendrait alors à se détourner de cette source de productivité potentielle.

Comme un outil ne suffit pas et que l’absence d’outil n’est pas viable sur le long terme, une autre réaction semble pouvoir être envisagée : emmagasiner le plus d’outils possibles pour avoir le bon au moment venu. Si avoir plusieurs cordes à son arc n’est jamais une mauvaise idée, les empiler sans autre forme de discernement risque de conduire rapidement à un nœud aussi fouillis qu’insoluble. En d’autres termes, enrichir sa boite à outils est pertinent à condition qu’elle ne devienne pas trop lourde et ne nous empêche pas d’avancer. D’autant que rien ne nous garantit que nous aurons in fine le bon outil au bon moment ni que nous saurons discerner lequel est le plus pertinent parmi l’ensemble de la palette à notre disposition. En effet, de la même manière que constituer des listes de bonnes pratiques peut se révéler utile - à condition que nous ayons conscience qu’elles ne sont là que pour nous inspirer – les méthodes et outils ne peuvent aucunement être considérés comme des modèles à appliquer à la lettre dans une logique du « one best way ».

… Une seule attitude semble sage : développer sa culture, au-delà de l’outil.

Sans pour autant s’en affranchir complètement, dépasser les méthodes et les outils pour s’inscrire dans un temps plus long marqué par le changement et l’incertitude devient alors une nécessité. Cela signifie qu’au-delà de ces méthodes et outils, nous devons développer toute la richesse des substrats culturels qui y sont associés. Établir les liens entre les choses, les concepts et nos actions, c’est-à-dire penser le monde dans toutes sa complexité : utiliser la clé pour ouvrir la porte plutôt que de regarder par le trou de la serrure, car la clé ne sera jamais la finalité mais toujours le moyen.

Edgar Morin, grand penseur de la complexité nous éclaire « la pensée complexe intègre le plus possible les modes simplifiants de penser mais refuse les conséquences mutilantes, réductrices, unidimensionnalisantes et finalement aveuglantes d’une simplification qui se prend pour le reflet de ce qu’il y a de réel dans la réalité. ». En outre, les méthodes et outils, aussi simplifiant soient-ils, sont utiles pour gagner en efficacité face à un problème donné mais ne doivent être considérés que pour ce qu’ils sont : des méthodes et outils. Ce constat nous invite alors à faire preuve d’humilité et à ne pas s’enfermer dans une méthode quelle qu’elle soit mais à s’inscrire dans une démarche de développement et de remise en question continu. Apprendre la méthode et les outils associés ne suffit pas, encore faut-il comprendre leur portée et leurs limites ainsi que les concepts qui y sont afférents pour être capable de discerner quand y recourir de manière pertinente – faire preuve d’esprit critique en somme. Finalement, nous retrouvons la finalité de tout apprentissage : apprendre, comprendre pour réellement entreprendre.

Cette culture de l’apprentissage peut se révéler être un formidable levier pour l’adaptabilité[2] (ou d’agilité ou de résilience, comme vous voulez !) que les entreprises appellent de leurs vœux[3]. Alors, n’allons plus en formation seulement pour les méthodes et les outils mais surtout pour développer nos connaissances au-delà du sujet ! Privilégions l’ouverture à l’enfermement dans des recettes aussi simplistes que limitantes. Faisons preuve d’esprit critique et de curiosité. Nous avons tout (et tous) à y gagner ! Il s’agit d’une promesse pour chaque individu mais également – et surtout – une nécessité en tant que société !


[1] Pour approfondir ce sujet, découvrez le podcast de Story RH : La transformation, c’est normal et constant https://storyrh.fr/2021/01/17/la-transformation-normal-et-constant/

[2] Pour approfondir, découvrez un précédent article publié sur RH info https://www.rhinfo.adp.com/rhinfo/2021/apprendre-a-apprendre-2/

[3] Ceci constitue un des arguments en faveur du développement des collaborateurs. A approfondir ici : https://storyrh.fr/2021/10/31/pourquoi-developper-ses-collaborateurs/

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