« Penser et agir comme un arbre »

La crise écologique que nous traversons nous conduit à mieux prendre conscience du rôle vital des arbres dans notre existence. L’accumulation de gaz carbonique dans l’atmosphère qui s’est opérée ces dernières décennies en raison de l’exploitation des énergies fossiles est à l’origine du réchauffement climatique. Les arbres, par leur action, en limitent les effets ; en effet, la photosynthèse est le processus chimique qui transforme le gaz carbonique en oxygène, gaz indispensable à notre survie ; c’est une formule miracle qui illustre les atouts et les vertus de cet organisme vivant. La compétence des hommes au travail est aussi le fruit d’une alchimie qui transforme des forces « naturelles » en d’autres forces orientées vers un but économique et social. La mobilisation des ressources humaines se fonde sur des principes et des règles qu’il est possible de comparer au fonctionnement des arbres. Mettre en parallèle l’évolution des modes d’exploitation d’une ressource naturelle, les arbres, et les modes de gestion des ressources humaines dans nos organisations aide à mieux comprendre la façon dont sont combinées les ressources du vivant.

Une combinaison de ressources : « Prendre toute sa place entre ciel et terre »

L’arbre va puiser dans plusieurs sources ; son implantation dans un champ donne aux racines la fonction d’exploiter les éléments constitutifs de la terre (matière organique, minéraux, eau …) qui sont autant d’ingrédients qui vont nourrir le végétal. En outre, l’arbre est planté dans un environnement, dans une région qui profite d’un certain climat : soleil, nuages, pluie y interviennent plus ou moins fréquemment en fonction de la météo locale. Lorsque les forces du dedans, celles d’en bas - la vie du sol, s’allient avec les forces du dehors, celles d’en haut - la lumière et le climat, l’arbre bénéficie des forces de la vie ; plus que les racines, c’est la sève qui est essentielle ; elle transporte l’énergie indispensable au développement du végétal et à sa fructification.

Le professionnel va puiser dans plusieurs sources ; ses dispositions, les éléments constituant son potentiel (connaissances, aptitudes, …) sont autant d’ingrédients qui vont nourrir son expérience. Par ailleurs, l’individu agit dans un contexte, dans une organisation qui profite d’un certain environnement : forces, limites, opportunités, contraintes ; des événements y interviennent fréquemment et modifient les conditions de travail. Lorsque les forces du dedans, celles d’en bas - le potentiel, s’allient avec les forces du dehors, celles d’en haut - les conditions de travail, la personne bénéficie des forces de la vie ; plus que le potentiel, c’est la motivation qui est essentielle ; elle transporte l’énergie indispensable au développement des compétences et des résultats.

Une combinaison de lumière : « Trouver une place au soleil »

Le jardinier professionnel ou l’arboriculteur apprend la correspondance entre les espèces d’arbres et le type de terre ainsi que le climat qui leur convient ; il reconnaît l’arbre comme sain par la capacité de ce dernier à produire des fruits et à suivre une croissance régulière. Rapidement des indices l’alertent dès que la santé du végétal est en cause, ou bien, d’un simple coup d’œil, il se réjouit quand l’arbre est dans son élément, quand ce dernier pousse dans un terroir et dans un milieu qui lui conviennent. Parce que l’arbre « à sa place » croît naturellement, fleurit au printemps et produit des fruits en quantité et en qualité variable selon les saisons.

Il est aisé de reconnaître un professionnel qui exerce une activité qui lui correspond ; les forces d’en haut, l’emploi et les conditions de travail, sont en adéquation avec les forces d’en bas, ses dispositions et ses aspirations. Parce qu’il est « à sa place » dans son emploi, la personne mobilise facilement ses ressources ; il y a adéquation entre ce qu’il fait, son activité, les modalités de son travail et ce qu’il est, les caractéristiques personnelles de son potentiel. L’individu est dit dans « sa posture » lorsqu’il tient un rôle qui lui correspond, il est dans « l’imposture » dans le cas contraire ; dans le sens où il y a inadéquation entre la personne et le poste de travail.

La lumière produite par le soleil déclenche le phénomène de photosynthèse : « La photosynthèse, qui signifie combinaison de lumière, est le processus bioénergétique qui permet aux plantes de synthétiser de la matière organique en utilisant la lumière du soleil » (définition du dictionnaire).

La compétence qui signifie combinaison de ressources est le processus cognitif qui permet aux individus de synthétiser des ressources personnelles, de « la matière grise », en exploitant les ressources de leur environnement personnel et professionnel. Dans le cadre du travail, la lumière est apportée aux individus grâce à l’organisation dont ils font partie ; par exemple, une machine récente qui rend plus aisée une opération, ou la bienveillance d’un chef et de collègues qui facilite la mobilisation des ressources de l’individu en situation d’intégration dans son emploi.

Être partie prenante du vivant : « Tenir sa place en toute humilité »

Quand l’arboriculteur veut augmenter sa récolte pour accroître la productivité de son exploitation, il se préoccupe alors de la santé de son arbre ; en premier lieu, il se pose la question de l’adéquation pour ce type de végétal de la terre - les forces d’en bas - et du climat - les forces d’en haut. Evaluer les besoins de ses arbres pour améliorer la production, analyser la rentabilité de son exploitation, c’est pour un arboriculteur professionnel un moyen de mieux valoriser sa plantation et de mesurer l’efficacité de ses interventions. Ce n’est qu’à cette condition qu’il peut piloter son affaire.

De même dans une organisation, lorsqu’il convient de poser des exigences, de fixer des objectifs ambitieux, l’ajustement des compétences devient un sujet de management : La gestion des compétences apparaît dans les préoccupations d’un dirigeant dès lors que la performance est recherchée : les opérationnels ont-ils le bon profil, comment doivent-ils faire pour atteindre les résultats escomptés ? Sans tomber dans l’obsession de l’évaluation, il apparaît néanmoins indispensable de faire des constats objectifs, de mesurer les contributions des individus ou du collectif de travail pour piloter les compétences.

Les fruits et les feuilles à la saison des récoltes tombent sur le sol ; la part qui n’est pas ramassée contribue à la fabrication de l’humus*. Cette matière organique retient l’eau et les nutriments, elle représente la partie biologiquement la plus active car elle délivre aux racines de la plante tous les éléments nutritifs indispensables à la croissance du végétal.

Les résultats du travail, les réalisations de l’individu, s’ils font l’objet d’une évaluation, d’un échange entre les parties prenantes, lors d’un entretien professionnel par exemple, vont devenir « l’humus », essentiel à la croissance des racines (savoirs et savoir-être), donc du développement du potentiel de la personne, et par conséquent vont favoriser la production de la saison suivante. Comme la nature végétale a besoin d’humus pour produire, la performance d’un individu n’apporte de la richesse que si elle est accompagnée d’humilité* ; car la réussite, la reproduction de la performance n’apparaissent qu’après de nombreux errements.

NB : Le mot « humilité*» (du mot latin humilitas dérivé de « humus*», signifiant «terre») est généralement considéré comme un trait de caractère d'un individu qui se voit de façon réaliste, qui se reconnaît « terrestre », partie prenante du vivant. Source Wikipédia

L’arbre se renforce à mesure qu’il grandit

Nos compétences se développent à mesure que nos expériences nous enveloppent

Le tronc est constitué de trois parties : l’écorce le recouvre, l’aubier, partie vivante et fonctionnelle protégée par l’écorce s’enrichit chaque année d’une couche supplémentaire ; le nombre de couches correspondant à l’âge de l’arbre. Enfin le bois de cœur, appelé duramen, est la partie la plus ancienne ; elle ne comporte plus de cellule vivante mais donne au tronc sa rigidité qui permet à l’arbre de se maintenir debout face au vent lors de fortes tempêtes. Parce que les racines qui grossissent et se renforcent peuvent accéder à de nouvelles ressources.

Notre portefeuille de compétences est aussi constitué de différentes couches puisque les expériences que nous avons vécues ont permis d’accumuler de nombreux savoir-faire. Derrière notre identité professionnelle représentée par une formation, un métier ou un statut s’expriment les compétences opérationnelles et fonctionnelles qui peuvent être considérées comme des « acquis de surface » car elles sont mises en œuvre afin d’assurer les missions spécifiques de notre emploi actuel. Situées au centre du portefeuille, les compétences transversales et durables constituent les fondements de notre maturité professionnelle et garantissent notre employabilité. Acquises dès nos premières expériences, correspondant aux zones de développement les plus anciennes, elles peuvent être mises en œuvre dans différents contextes professionnels ; elles nous donnent la capacité d’acquérir et de maintenir les compétences nécessaires pour trouver ou conserver un emploi. Elles engendrent une certaine confiance, une « solidité mentale » qui aide à nous adapter à de nouvelles activités. Plus notre expérience est grande, plus les niveaux de compétence augmentent, plus notre potentiel s’accroît ; parce que nos ressources se multiplient et s’enrichissent, et parce que nos moyens d’accès à celles-ci se perfectionnent.

La compétence, un système vivant qui nécessite d’être ménagé

Le monde agricole est en crise, les modèles du passé sont remis en question. L’organisation productiviste de l’après-guerre a révolutionné la plupart des régions de la planète et a permis de satisfaire les besoins importants d’une population en forte croissance. Mais les attentes actuelles des citoyens de nos pays occidentaux s’orientent vers d’autres préoccupations : la santé du consommateur, le respect de l’environnement, la préservation de la biodiversité, … Une mutation est en cours : 20 % des fermes françaises sont passées déjà au bio, les circuits courts se développent. La crise que le monde agricole vit n’est pas seulement économique, elle est existentielle, elle interroge notre manière « d’exploiter ou de ménager » nos ressources.

En prolongeant la métaphore, il apparaît intéressant de mettre en parallèle l’évolution des modalités d’exploitation des ressources naturelles et humaines correspondant à différentes pratiques agricoles et de gestion des compétences :

Du mode de développement agricole …

… au mode de management des compétences

« L’agriculture extensive »

est une mode d’exploitation qui consiste à laisser faire la nature qui évolue selon les saisons et les aléas climatiques. L’homme respecte les cycles naturels ; le résultat est parfois surprenant : des fruits très nombreux dans un arbre alors que son voisin proche fournit une production limitée ou entachée par la maladie. L’agriculteur accepte et subit les aléas de la nature.

« Le management paternalisme »

en matière d’encadrement peut produire des effets similaires. Réduites au minimum, les règles, rarement écrites, sont parfois fournies par l’employeur, mais rapidement interprétées en fonction de la personnalité et des motivations des employés qui assurent les missions ; le responsable se satisfait des résultats qui sont très variables d’un individu à l’autre.

« L’agriculture intensive »

s’est développée dès lors que les besoins de production se sont accrus ; la société a sollicité ses paysans et leur a mis la pression afin qu’il mobilise tout le potentiel de la nature. Engrais, pesticides, mécanisation … et autres moyens artificiels ont été utilisés lors de cette révolution agraire.

« Le management par objectif » ou MPO

veut optimiser l’exploitation de la ressource humaine. L’encadrement a quelquefois été positionné ironiquement comme « releveur de compteur », car principalement préoccupé par des considérations de résultat, sans beaucoup d’attention portée aux personnes en charge du travail.

« L’agriculture raisonnée »

ou développement durable, correspondant aux évolutions récentes dans lesquelles l’exploitation des ressources est mieux réfléchie ; en matière agricole, la formulation « agriculture raisonnée » exprime bien l’orientation choisie. Aux préoccupations économique et sociale, s’ajoutent des enjeux environnementaux ; c’est-à-dire dans le respect des espèces vivantes et des personnes, sans compromettre les ressources des générations futures.

« Le management par les compétences »

prend une autre dimension, il devient un processus stratégique au service d’un besoin économique, social et environnemental. Il aborde la question de l’objet social de l’entreprise et donc de la place et de la contribution des uns et des autres dans la création de valeur, pour mieux prendre en compte l’intérêt général et ne pas la réserver aux seuls actionnaires. Les démarches RSE* participent de cette tendance.

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