Stratégique pour près de deux tiers des professionnels RH, l’expérience collaborateur commence – enfin – à entrer dans les pratiques des entreprises. Inspirée de l’approche marketing et de ses outils, elle s’impose aujourd’hui comme un levier possible d’attractivité, de fidélisation et d’engagement des salariés.


Expérience utilisateur (UX), expérience client, expérience candidat… Nous sommes dans l’ère de l’expérientiel, et la relation employeur-employé n’échappe désormais plus à la règle. Si l’attention portée à ce que vivent les collaborateurs n’est pas nouvelle, elle s’inscrit depuis quelques années dans le concept de symétrie des attentions, introduit par le chercheur Benoît Meyronin et l’expert Charles Ditandy dans leur livre “Du management au marketing des services”, paru en 2015. Le principe ? Chaque collaborateur prendra d’autant mieux soin de ses clients – et plus globalement remplira d’autant mieux ses missions – qu’on prend également soin de lui.

Base de toute stratégie marketing, l’expérience client vise la satisfaction de ce dernier à chaque étape de sa relation avec l’entreprise, ses produits ou services. De la même façon, l’expérience collaborateur peut être optimisée en définissant et concrétisant le meilleur parcours professionnel au sein de l’entreprise, avec une attention particulière portée aux moments clés, comme le recrutement, l’intégration, une promotion, une formation, une mobilité, etc. Cette ambition doit alors être traduite dans une offre de services RH.

Un tiers des DRH engagées dans la démarche

Quel est alors l’intérêt, pour une entreprise, de s’engager dans cette démarche ? Turn-over, absentéisme et désengagament sont des enjeux majeurs pour la fonction RH, auxquels une expérience collaborateur bien pensée et mise en œuvre peut apporter des réponses. Dans son étude mondiale « 2020 Global Employee Experience Trendstrends », la société de gestion d’expérience Qualtrics confirme que le niveau d’engagement est globalement bas chez les salariés. Interrogés sur les facteurs qui contribueraient à l’améliorer, ils ont cité trois leviers en particulier :

  • être davantage écoutés, et pouvoir exprimer régulièrement des feedbacks ;
  • être encore plus écoutés lors des phases de transformation organisationnelle ;
  • et bénéficier de développements de carrière, avec le soutien de leur manager.

En 2019, nous avons interrogé, pour la troisième année consécutive, les acteurs RH sur ce sujet crucial de l’expérience collaborateur[1]. Cette nouvelle édition permet d’examiner l’évolution de la situation – une évolution effectivement marquante en un an. Considérée comme stratégique pour 70% des responsables RH, qui la voient comme une source d’amélioration de l’efficacité de l’entreprise, l’expérience collaborateur commence à passer des intentions aux pratiques effectives. 35 % des personnes interrogées se sont engagées dans une démarche d’expérience collaborateur en 2019, contre 25 % l’année passée. Les intentions de réalisation émises l’an dernier (environ 10 % des répondants) ont donc été concrétisées.

L’intégration des nouveaux collaborateurs comme point de départ

Ce changement significatif révèle sans doute la prise de conscience des entreprises : pour attirer les talents, les fidéliser et s’assurer de leur engagement, l’expérience collaborateur devient un investissement que de nombreux professionnels RH sont maintenant prêts à défendre devant le comité de direction. Quid des réfractaires ? Les freins principaux ne sont pas budgétaires mais organisationnels, qu’il s’agisse d’un manque d’impulsion de la direction, de temps ou encore de ressources internes. Pour en faire réellement une priorité stratégique, les DRH doivent donc affûter leur arguments, éléments de preuve à l’appui – par exemple, en s’appuyant sur les retours d’expérience d’autres entreprises (Sony, Mazars, Orange, Nespresso, etc.).

Encore émergente, l’approche n’en est logiquement qu’à ses débuts, mais notre baromètre révèle une progression de la compréhension de l’expérience collaborateur et de son intérêt : elle est clairement perçue comme un outil de marketing RH par 55 % de répondants. Là encore, les DRH semblent avoir maturé le sujet – avant de franchir le pas ? Du côté des pratiques concernées, l’intégration des nouveaux embauchés est la première activité RH ciblée par l’expérience collaborateur, aussi bien en intention qu’en pratique effective. Il peut sembler logique de démarrer par ce qui reste un sujet largement éprouvé, aux objectifs clairs et aux contours délimités. Logique et pertinent, à condition qu’il ne s’agisse pas d’une action isolée mais bien de la première étape d’une nouvelle dynamique organisationnelle et managériale.

De « R » comme « ressources », à « R » comme « richesse »

Un autre résultat intéressant mérite de s’y arrêter : les entreprises pionnières en termes d’expérience collaborateur sont, en moyenne, mieux équipées en outils digitaux RH. À défaut d’un lien direct de cause à effet, la corrélation peut être décryptée sous deux angles. D’un côté, le fait de disposer d’outils innovants peut contribuer à impulser la démarche, en offrant une opportunité pour agir ; de l’autre, une démarche déjà mature d’expérience collaborateur nécessite généralement une traduction digitale, visant à proposer des outils et services dédiés aux salariés.

Que retenir des enseignements de notre baromètre ? En tant que posture d’écoute et de réponse aux attentes et aux besoins des salariés et des candidats, le marketing RH représente un nouveau terrain de jeu pour les DRH. Si la fonction ressources humaines se veut transformatrice, alors elle doit se transformer. Le marketing RH, ainsi que l’expérience collaborateur – l’une de ses déclinaisons opérationnelles –, en sont encore aux balbutiements : ils ont le potentiel de contribuer au repositionnement de la fonction RH, avec « R » au sens de « richesse » et plus seulement de « ressources ». Les ambitions business comme le projet d’entreprise seraient alors envisagés au regard des nouvelles promesses et missions de cette fonction stratégique. Pour réussir son nouveau positionnement, elle doit faire preuve d’audace et d’esprit de conquête : c’est une attente forte des professionnels RH et de leurs parties prenantes, pour reconnecter le monde de l’entreprise à la société.


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