Talents, experts, piliers ? Valoriser les ressources clés

Si l’entreprise veut capitaliser pleinement sur ses ressources humaines, les capacités de tous doivent pouvoir s’épanouir en son sein. Elle doit donc développer au mieux chacun de ses collaborateurs. Pour autant, certains ont pour elle plus de valeur parce qu’ils constituent des « ressources clés » dans sa croissance. Elle a donc besoin de les identifier pour pouvoir les traiter de manière différenciée. Il s’agit de construire ses réponses spécifiques à une question : qu’est-ce qui caractérise les profils les plus précieux pour elle, aujourd’hui et demain ?

Le terme de « talent » s’est généralisé dans de nombreuses entreprises. Mais cette approche générique renvoie parfois à un joyeux mélange et à certaines confusions. Quelles sont les notions que l’entreprise peut mobiliser pour identifier ses ressources clés ?

Potentiel, expertise et performance

La plus évidente a priori est le potentiel. Celui du collaborateur qui, d’ici 3 ans ou au-delà, pourra assumer des responsabilités significativement plus larges. Comment définir le potentiel à partir de critères objectifs et mesurables ? Les entreprises qui ont mis en place les méthodes les plus efficaces en la matière ont d’abord identifié les « soft skills » ou compétences comportementales qui seront cruciales pour la mise en œuvre de leur plan stratégique, notamment parce qu’elles matérialisent la culture qu’elle cible. Puis elles ont déployé une démarche qui permet une appréciation objective de ces compétences. Est validé comme potentiel le profil qui, sur quelques-unes des compétences requises, est très au-delà de ce qui est attendu à son niveau de responsabilité sans être en « zone rouge » sur les autres. Avantage de cette approche : les profils validés comme potentiels sont divers et le risque de « clonage » est évité.

Autre notion mobilisable, l’expertise. Si l’appréciation du niveau de maîtrise de ces « hard skills » ou compétences métiers est plus simple parce que plus factuelle, encore faut-il que l’entreprise ait identifié en amont celles qui sont essentielles pour elle parce que constituant des capacités stratégiques. C’est uniquement sur cette base qu’elle pourra ensuite mener son travail d’identification de ses experts.

Troisième dimension d’importance, la performance. Nous parlons bien ici à la fois de ce qui est réalisé au quotidien sur les missions permanentes du métier, mais aussi de ce qui renvoie aux objectifs individuels.

Quelles « populations clés » ?

Comment ces notions sont-elles mobilisées par l’entreprise afin de cibler les populations clés pour son développement ? Longtemps, elle s’est intéressée en priorité à ses « hauts potentiels », centrée qu’elle était sur ses besoins futurs et autres enjeux de succession. Mais la corrélation entre potentiel et performance est parfois imparfaite : un collaborateur à fort potentiel peut avoir sur une année ou deux une performance correcte voire insuffisante, de même qu’une performance hors normes n’est pas toujours significative d’un potentiel élevé. Le croisement de ces deux critères, potentiel et performance, est souvent réalisé dans le cadre d’une people reviewavec un outil comme la « 9-box » ou autre « matrice de développement ». Le collaborateur apprécié comme au top sur ces deux dimensions sera alors considéré comme un talent.

Au moins cette approche a-t-elle le mérite d’objectiver l’identification de ces talents. Pour autant, elle conduit trop souvent à se centrer un peu vite sur cette seule population, supposée concentrer tous les atouts, en faisant abstraction de plusieurs éléments :

  • L’entreprise qui a en priorité un enjeu d’identification des potentiels ne peut négliger ceux d’entre eux dont la performance n’est pas au maximum. D’autant qu’une telle combinaison, haut potentiel et performance améliorable, renvoie pour partie à une responsabilité de l’organisation : quelles conditions crée-t-elle pour ce que potentiel débouche sur une performance renforcée ?
  • De même, les profils dont la capacité d’évolution est perçue comme limitée mais dont la performance est optimale, les hauts « performeurs », peuvent avoir une grande valeur pour l’entreprise. C’est parfois la fiabilité, la robustesse de ces piliers, notamment dans la mise en œuvre de leurs missions permanentes, qui fait que la maison tient bon.
  • Enfin, l’approche croisant potentiel et performance ne prend pas en compte l’expertise, ou alors seulement très indirectement via la performance. Il manque donc une dimension à la matrice pour couvrir l’ensemble des champs.

Une réflexion préalable

En amont de ces dispositifs, l’entreprise doit avoir construit sa réponse à une question : de quels profils a-t-elle besoin pour permettre la mise en œuvre de son projet stratégique ? La réponse ne sera pas la même selon sa situation et ses perspectives.

Une entreprise en forte croissance avec une ambition élevée doit considérer le potentiel comme une priorité : il lui faut générer en son sein ceux qui porteront ces enjeux de développement. Ce qui suppose de les identifier pour pouvoir les préparer.

A contrario, une entreprise qui a défini que son facteur de différenciation sur ses marchés relevait de certaines compétences clés non imitables doit en priorité s’attacher aux experts qui les maîtrisent.

Très souvent, plus qu’une réponse unique, c’est bien le dosage entre potentiel, performance et expertise appelé par le projet stratégique qui doit être précisé en amont de la démarche d’identification de ses ressources clés.

Une fois mis en œuvre les dispositifs permettant d’apprécier ces différentes dimensions, restera à traiter deux questions :

  • Les intéressés sont-ils informés de leur validation comme ressource clé ? Le passer sous silence est de plus en plus difficile si l’entreprise veut instaurer une logique de confiance et de transparence.
  • Quel alignement des politiques RH ? Définition des critères de recrutement, différenciation en matière de rémunération, démarche de développement ad hoc pour chacune des populations retenues sont autant de chantiers à ouvrir alors.

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