Pendant le mois d'août, nous publions à nouveau quelques-uns des textes les plus lus de l'année.


On s'accorde à dire qu'une bonne écoute est un savoir-être majeur, quel que soit le contexte. Encore faut-il s'entendre sur ce que l'on met derrière ce mot.

Une disposition intérieure

L'écoute est un mouvement presque invisible qui va de l'intérieur vers l'extérieur. D'abord un silence qui s'installe en soi. C'est le premier écueil : nous avons du mal à faire taire notre mental et notre pulsion à agir.

Notre voix intérieure est inlassable : elle juge, prépare ses réponses, saute aux conclusions... Nous voulons « faire » : conseiller, résoudre, aider, soutenir ...

Or, écouter consiste à donner toute son attention à l'autre, en s'oubliant soi.

C'est un moment où on choisit délibérément de s'effacer, de mettre de côté son propre cadre de référence, pour entrer dans une autre façon de penser et de voir le monde. L'univers cesse de tourner autour de notre propre personne. C'est pourquoi l'écoute demande de l'empathie : cette capacité à se mettre à la place de l'autre, tout en gardant la conscience de soi, et sans se noyer dans l'émotion.

Une écoute qui serait « sympathique » au sens psychologique du mot, risque d'être préjudiciable aux deux interlocuteurs. Car la sympathie est un « souffrir en même temps», dont on sait qu'elle mène bien des professionnels du soin au burn-out.

L'écoute, un accueil.

Le silence est un indice de notre état d'esprit. Hostile, il est comme un mur. Bienveillant, il ouvre les bras. C'est pourquoi ce silence doit être habité. Par des regards, quelques questions, des relances, des mouvements du corps… Le silence doit être subtilement actif.

L'expérience émotionnelle et cognitive de l'autre est toujours singulière. Ecouter c'est faire un effort pour saisir cette originalité.

Il s'agit d'entendre, comprendre, accepter. Et aussi de refléter cette compréhension, et souvent de l'approfondir. Ce qui ne veut pas dire cautionner. Ni consentir. Ni approuver. Simplement offrir un espace pour l'expression des joies, des peines, des succès, des angoisses, des doutes... D'abord faire de la place à l'autre.

C'est un compagnonnage épaule contre épaule: écouter c'est être ni trop en avant, ni trop en arrière. C'est vraiment rejoindre l'autre là où il est. Il sera bien temps, un peu plus tard, de se positionner à son tour. Si besoin.

Pour l'heure écoutons. Ouvrons la porte. Laissons circuler ce qui a besoin de circuler. Soyons transparents.

Notre attention dénote une intention.

L'écoute est un comportement volontaire, qui devient une seconde nature avec la pratique.

L'aspect volontaire de l'écoute peut être un piège.

  • D'une part parce que cette attitude ne doit pas être une posture artificielle, un masque pour se valoriser soi. Il ne s'agit pas de « se regarder écouter ». On ne joue pas à écouter. L'autre n'est pas un objet au service de notre égo ou de notre désir de puissance.
  • D'autre part, parce que ce comportement doit être à la fois plein de tact et opportun. Rien de pire que d'avoir l'impression d'être regardé avec une forme de pitié. A cet égard, il y a des bienveillances qui sont des violences. Si votre interlocuteur n'ouvre pas sa porte, vous n'avez pas le droit de la forcer.

Zorro et St Bernard, sachez passer votre chemin si vous êtes malvenus ! L'écoute est une marque de respect, pas une intrusion. On peut écouter trop, comme on peut écouter trop peu, ou à mauvais escient.

Par ailleurs, écouter n'est pas résoudre un problème. Il n'y a pas d'un côté un sachant et de l'autre une personne que l'on infantilise. Il ne faut ni vouloir, ni faire, à la place de l'autre.

Et enfin, si une bonne écoute demande de connaître quelques techniques, comme les reformulations, le questionnement, les relances ou les résumés, il ne s'agit surtout pas de les appliquer mécaniquement.

L'écoute n'est pas universellement bonne. Elle requière de la solidité, un jugement sûr, des conditions, un savoir-faire, un doigté...

L'écoute est un art. Une matière perfectible. Subtile.

Celui qui veut écouter doit se laisser guider. Il doit suivre, se caler sur le rythme de son interlocuteur. Et éviter les mouvements maladroits qui peuvent créer des cassures. C'est le bloc de marbre qui indique quelle sculpture il requiert.

Le bon sculpteur met son adresse au service de ce que propose la matière.

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