De nombreuses organisations ont hérité d’un mode de décision centralisé et descendant. Hier, il correspondait au besoin, puisque leur environnement était stable, avec des enjeux faciles à adresser. L’entreprise pouvait matérialiser sa volonté d’excellence opérationnelle via l’alignement. Ce processus de décision avait de plus l’avantage de la simplicité.

Aujourd’hui, il ne fonctionne plus, pour deux raisons :

- L’environnement de l’entreprise est d’une complexité croissante. Il est plus concurrentiel, avec des attentes clients qui se sont diversifiées et renforcées. Alors que les organisations ont désormais un besoin premier d’agilité, celles qui sont centralisées ont une rigidité qui ne permet pas d’y faire face.

- Dans la dichotomie entre quelques décideurs et de multiples exécutants, ces derniers bloquent et n’acceptent plus cette répartition des rôles. Alors que l’entreprise a un besoin de mobilisation via l’adhésion de ceux qui la composent.

De l’ancien au nouveau monde

Des tentatives sont faîtes pour renforcer le participatif. Mais faute de repenser le processus de décision dans son ensemble, elles ont peu d’effets. La dimension participative ne peut seulement relever d’un curseur à déplacer. De plus, l’entreprise prend le risque d’être manipulatoire quand l’approche est utilisée pour faire accepter des décisions déjà prises.

A contrario, le modèle émergeant a trois caractéristiques :

  • Une responsabilité claire des dirigeants sur des choix structurants.
  • Le principe de subsidiarité qui permet à chacun dans l’entreprise de prendre les décisions simples là où se pose la question, en faisant preuve d’intelligence des situations.
  • Des éléments de sens (projet d’entreprise, mission, et valeurs, etc.) en guise de boussole.

La décision au quotidien

Cette approche, qui dessine les contours d’un nouveau modèle organisationnel, est indispensable mais pas suffisante. En effet certaines décisions renvoient à des déterminants complexes et appellent une multitude d’interactions. La volonté d’écouter et de prendre en compte les avis de tous, légitime en soi, peut déboucher sur de l’inefficacité, avec par exemple la multiplication des réunions. La recherche de consensus est alors illusoire et handicapante pour l’entreprise.

C’est ainsi qu’une entreprise du secteur des services a eu à gérer les conséquences de son changement de DG. À celui qui l’avait dirigée pendant 10 ans de manière très directive et centralisatrice a succédé un dirigeant qui a ouvert le dialogue avec les membres de son comité de direction. Faute d’avoir abordé en tant que tel cet enjeu, l’entreprise s’est retrouvée en peu de temps dans une situation où elle ne prenait plus de décisions.

Construire des régulations

Cet exemple illustre la nécessité pour une entreprise de reconstruire des régulations lorsqu’elle s’engage dans une démarche de transfert d’une partie des décisions vers les acteurs directement en situation.

Notre expérience de ce sujet avec les organisations que nous accompagnons nous donne quelques clés :

  • Rendre explicite l’enjeu que représente le processus de décision. La décision est un sujet, de même que ses modalités de construction, de mise en œuvre, et que l’efficience dans la démarche.
  • Co-construire le nouveau processus de décision. Il y a là un impératif de cohérence : formaliser ce processus de décision sans ceux qui auront à le faire vivre serait pour le moins paradoxal.
  • Positionner systématiquement la décision à partir de ses déterminants et des objectifs recherchés, pour limiter l’impact négatif des enjeux de pouvoir et de territoire.
  • Apprendre à mieux distinguer les différentes phases de préparation, de prise de décision et de mise en œuvre, pour éviter les aller-retours et la confusion qu’ils génèrent.

Les différentes phases de la décision

Il y a effectivement trois phases qui doivent être clairement distinguées, avec un début et une fin :

1) Une phase amont de préparation, de consultation et de débat avec les acteurs concernés ou impactés. Elle doit être menée en pondérant la prise en compte des contributions. Celui qui est directement impacté a un impact plus important que celui qui ne l’est pas. Celui qui a développé une expertise sur le thème ou s’appuie sur des datas doit peser plus lourd que celui qui a un avis de néophyte.

2) Une phase de prise de décision. Quelle est la personne ou le groupe de personnes qui a la responsabilité de décider sur ce sujet ?

3)Une phase de communication et de mise en œuvre de la décision qui engage tous les acteurs, y compris ceux qui avaient une autre position.

Ce qui apparaît clairement indispensable, c’est bien d’expliciter, de différencier et de formaliser les rôles et responsabilités des différents acteurs dans chacune de ces phases. À défaut la confusion s’installe.

« Ce qui caractérise […] le monde de la liberté, de la qualité et de la primauté des rapports humains dans lequel nous entrons, écrivait Michel Crozier, ce n’est pas moins d’organisation mais plus d’organisation. »