Bien accueillir les compliments, et apprendre à en faire

Le compliment, tout comme les marques d'intérêt ou d'affection, est une façon de se relier les uns aux autres.

Notre manière de les recevoir ou de les donner révèlent qui nous sommes.

Un révélateur de soi et de la relation.

Cet éclairage impitoyable se fait donc sur deux aspects: notre état interne d'une part, et notre capacité à être dans une relation vivante et constructive d'autre part.

Mal donnés et mal reçus, ils signent une fragilité dans le savoir-être, une difficulté relationnelle, un manque de connexion.

Ils sont l'indice d'une affirmation de soi déséquilibrée : trop haute ou trop basse.

Bien donnés et bien reçus, ils indiquent que l'autre compte pour vous, qu'il a une place, un droit à être, à ressentir, à s'exprimer. Et que vous vous donnez les mêmes droits, dans une parfaite réciprocité.

Ils signent l'acceptation de la relation, la prise en compte de la personnalité et du comportement de l'interlocuteur.

Ils comblent les besoins de reconnaissance, de compétence, de communication et d'appartenance.

Et ils instaurent une atmosphère positive.

Ne pas confondre compliment et feedback positif.

Le feedback positif est une démarche réfléchie. Il arrive au bout d'un processus mental élaboré.

Son contenu est factuel, structuré, motivé, contextualisé.

Il a une finalité, une intention: renforcer ou modifier un comportement.

Il s'inscrit dans le management pur.

Il parle de l'autre.

Le compliment est davantage une manifestation d'émotion, de ressenti.

Il peut être un outil de management, mais il est surtout une compétence sociale et relationnelle.

Il parle de vous.

Mal recevoir un compliment : un risque en contexte professionnel.

Mardi. Un petit soleil d'automne vous encourage. Les rues sont calmes.

En route pour un nouvel entretien d'embauche.

Vous n'aimez pas ça. D'ailleurs qui aime ça ?

Mais vous vous sentez relativement prêt. Vous êtes motivé. Le profil du poste. Une tenue impeccable. Alors pourquoi pas vous ?

Le recruteur est cordial. Vous vous détendez …

Il a le nez sur votre CV.

Vous êtes serein : écrits par un consultant, vos courriers pro sont au cordeau …

Il lève la tête : « Je vois que vous parlez trois langues : anglais, russe et espagnol. C'est bien ! »

Patatras ! Vous perdez contenance. Vous gigotez.

« Oui, enfin … c'est normal aujourd'hui de connaître des langues ... »

Le recruteur vous regarde en silence.

Il sait ce qu'il voulait savoir. Vous n'êtes pas sûr de vous.

Le poids du regard de l'autre révèle nos failles, et recevoir est parfois une souffrance

Manque de confiance en soi, d'estime de soi, de compétence sociale, problème de non-droit … la litanie du critique intérieur est sans fin : « Je suis un imposteur. Je ne suis pas légitime pour dire ça. Je ne mérite pas ce compliment. Je n'en vaux pas la peine. Je ne suis pas capable de tenir à ce niveau là. Je ne suis pas à la hauteur. Qui suis-je pour prétendre savoir ? Il se moque de moi avec son compliment et son petit sourire. Je ne sais pas quoi répondre, quoi dire, quoi faire, comment réagir ... »

Manier les compliments, une compétence qui peut s'apprendre facilement.

Quatre façons simples et graduées d'accueillir un compliment :

Contact visuel + sourire : niveau ultra-minimum, qui montre uniquement que vous avez entendu.

Merci + sourire : c'est la réponse polie, le service minimum, qui vous permet de rester centré, et, à force de pratique, de gagner en aisance.

Merci + sourire + l'expression du ressenti : vous entrez d'avantage en relation, vous vous ouvrez.

« Merci, cela me touche beaucoup », « Merci, j'apprécie», «Je vous remercie, c'est important pour moi », « Cela me fait plaisir, même si je suis un peu embarrassé (ou désarçonné) par le chaleur de votre compliment.

Merci + sourire + l'expression du ressenti + faire de la « révélation de soi » : c'est à la fois la façon de répondre la plus affirmée et la plus riche en « intelligence relationnelle » : vous vous ouvrez et vous vous dévoilez. Vous êtes assez affirmé pour parler de vos valeurs, de vos besoins, de vos engagements ...

« J'aime beaucoup votre pull »

« Merci, cela me tient à coeur, car il a été réalisé par un atelier d'insertion dans lequel je suis bénévole »,

«Cette réunion de fin d'année était très réussie, merci de l'avoir organisée »

« Merci pour ce retour, cela me fait plaisir. C'est la première fois que je gère un événement aussi important, c'était un beau challenge ! »

« Vous maitrisez trois langues ? Bravo ! »

«Je vous remercie, c'est important pour moi. Apprendre le russe est un défi que je me suis donné le jour de mes 18 ans »

Les bourdes à ne pas commettre lorsque vous recevez un compliment

Toutes les réactions suivantes sont une façon de refuser à votre interlocuteur l'expression de son ressenti. Elles bloquent une entrée en relation qui se ferait sur un mode égalitaire.

Ignorer : Ne pas réagir, ne pas répondre, faire comme si on n'avait pas entendu.

Minimiser, banaliser : « N'importe qui peut apprendre une langue étrangère, c'est banal », « C'est bien normal »

Nier : « Vous plaisantez ! C'est un vieux pull que j'ai trouvé aux puces »

Jouer la dérision : « Oui je sais ! Je suis la meilleure cuisinière de la ville ! »

Douter : « Ah bon ? Vous croyez ? J'ai l'impression que vous dites ça pour me rassurer ! »

Renvoyer la balle : « Toi aussi tu es très bien habillée »

Faire des compliments : l'art de mettre de l'huile dans les rouages relationnels

Le compliment bien tourné apporte un rayon de soleil dans les relations.

Il installe une atmosphère positive.

Il instaure un échange, une relation égalitaire.

Etre celui qui donne, cela renforce l'estime de soi. Et cela aide l'autre à se situer. C'est encourageant et motivant.

Pourquoi c'est parfois difficile :

Beaucoup d'émotions et de cognitions s'enclenchent, comme dans chaque acte d'affirmation de soi: les croyances (ça ne se fait pas), les anticipations négatives (je vais être ridicule, je vais rougir et être mal à l'aise, il va se moquer), les peurs (de s'exposer, d'être vu, peur de l'intimité, de se dévoiler, d'être submergé par l'émotion.)

Les fils rouges à respecter pour faire un compliment :

Message « Je » :

Le « I » message est le plus optimal.

Vous vous affirmez, vous osez vous dire, vous vous impliquez...

L'utilisation du « Je » évite le jugement de valeur, le jugement moral.

Il indique un avis, un ressenti, une opinion.

Voyez la légère différence entre :

  • « Je suis content de voir que vous avez réussi l'organisation de notre réunion »
  • « C'est bien que vous ayez réussi l'organisation de notre réunion »

Sincère :

Le compliment mensonger est vite démasqué.

Perçu comme faux, exagéré, il porte le soupçon de la manipulation, de la tromperie ou de la moquerie. Pire encore : il peut être reçu comme de la pitié.

Il casse la confiance et la proximité. Il détériore la relation.

Simple, Spécifique et Isolé :

La communication est un exercice périlleux; nous ne sommes jamais vraiment certains d'être bien compris. Plus vos phrases sont longues plus elles sont sujettes à interprétation. En la matière, le plus court est le mieux !

Un seul sujet précis, et uniquement axé sur le positif !

Pas de sous-entendu, de semi-négation … bannissez les « pour une fois... », « à mon grand étonnement... », « J'ai aimé votre réunion, mais ... »

Le compliment n'est pas une arme ! C'est un cadeau !

Le compliment doit être désintéressé.

Sinon vous quittez l'affirmation de soi saine, pour basculer dans une attitude relationnelle inadaptée.

S'il y a un agenda caché derrière votre expression, elle sera ruinée.

Votre parole sera « démonétisée », vous perdrez votre crédit et vos chances d'établir un échange en confiance.

Ce sera le cas si vous utilisez le compliment pour manipuler, faire passer une critique ou obtenir une faveur.

Gérer les compliments, les marques d'intérêt ou d'affection, cela s'apprend.

Parmi les six compétences en affirmation de soi, c'est le volet le plus « facile ».

Parce qu'il est possible de faire très simple ET très efficace, comme nous l'avons vu.

A long terme, l'ensemble des compétences en affirmation de soi que nous passons en revue dans cette série d'articles, va améliorer votre respect de vous-même, votre confiance en vous et vos relations.

S'entraîner

L'affirmation de soi, c'est quelque chose que l'on fait.
Pas quelque chose que l'on comprend ou que l'on pense.

Aujourd'hui, je vous invite donc à vous entraîner, tout comme pour les volets concernant la reconnaissance des comportements relationnels, « Oser demander » et « Oser dire Non ».

Commencez maintenant :

Cherchez dans votre journée quelque chose que vous avez fait bien.

Et offrez-vous un compliment simple.
Vous pouvez par exemple compléter les phrases suivantes :

« Je suis fier de . . . . . . . . . . . . . . »

« Bravo pour avoir . . . . . . . . . . . . . .. . »

« J'aime beaucoup cette façon que j'ai eu de . . . . . . . . . . . . . . . . . »

« Je trouve que ce . . . . . . . . . . . était particulièrement réussi ! »

Vous pouvez aussi chercher un compliment à faire délibérément dès demain à une personne de votre entourage.

Si cela vous paraît trop difficile, commencez par des situations sans enjeu, avec des personnes que vous ne reverrez probablement pas : un chauffeur de bus, un commerçant, une cliente proche de vous dans un magasin ….

« J'aime beaucoup … J'apprécie votre …. Je suis fan de votre … Je suis content de …. J'admire votre … Je vous félicite pour … Je suis touché par ... »

Lancez-vous !

L'évitement des situations difficiles n'est jamais une stratégie.

Cela ne fait que enkyster les problèmes et rendre encore plus difficile l'adoption d'un comportement adapté.

Commencez à votre mesure, et, petit à petit, vous apprendrez ainsi à être « confortable avec l'inconfort ».

Vous saurez de mieux en mieux apprivoiser vos pensées et vos émotions.

Vous allez vous habituer à ce nouveau savoir-être.

Il va se renforcer en douceur par la satisfaction intrinsèque qu'il vous apportera.