Le collaboratif comme nouvel ADN du fonctionnement de l’entreprise

La révolution digitale a été depuis quelques années synonyme d’un bouleversement dans les modes d’organisation et le fonctionnement des entreprises avec la part croissante prise par le collaboratif facilité par la mise en œuvre d’ outils combinant la simplicité d’utilisation et la sophistication des fonctionnalités offertes[1]. Mais bien que la technologie ne soit qu’une condition nécessaire et jamais suffisante comme on peut l’observer avec l’essoufflement des réseaux sociaux d’entreprises de première génération mis en œuvre depuis le début des années 2010, force est de reconnaître que le collaboratif est devenue un impératif que l’entreprise doit pouvoir ériger en mode naturel de fonctionnement, constituant son nouvel ADN, au-delà du simple discours incantatoire pour éviter le syndrome de la mode managériale éphémère.

Dans cette perspective, les DRH sont des acteurs majeurs de cette transformation vers l’entreprise collaborative en mettant en œuvre, bien sûr, des pratiques RH facilitant la collaboration comme, par exemple, le rééquilibrage progressif des dispositifs de rémunération incitative vers plus de collectif d’équipe au détriment des formes individuelles dominantes depuis plus de deux décennies. Mais la collaboration ne peut devenir le nouvel ADN du fonctionnement de l’entreprise que si la Fonction RH elle-même démontre la capacité à être collaborative en son sein mais aussi avec ses clients internes et externes, c’est-à-dire avec l’ensemble de ses parties prenantes. C’est la raison pour laquelle les Hackathons constituent des opportunités exceptionnelles de faire la preuve de la supériorité de la collaboration pour imaginer des solutions innovantes susceptibles de résoudre des problèmes qui se posent à l’entreprise en général et à la Fonction RH en particulier. Les DRH doivent en comprendre les principes avant d’envisager leur utilisation.

Les Hackathons comme processus structurés d’innovation collaborative

Les Hackathons ne sont pas une nouvelle forme d’innovation collaborative dans l’absolu car on a vu les premiers Hackathons mis en œuvre dans les entreprises il y a une dizaine d’années dans le cadre de la vague montante de l’open innovation[2] pour développer de nouveaux produits et services. Mais ce n’est récemment que les Hackathons ont commencé à devenir des formes d’innovation collaborative dans le domaine de la GRH, avec le Hackathon RH qui s’est déroulé dans les locaux du CNAM le 15 mars 2017[3], et dans le domaine du management, avec le Hackathon organisé par le cabinet Ethik Consulting les 19 et 20 septembre 2017 au siège de la Banque de France.

Dans ces deux exemples, les évènements ont réuni 6 à 7 entreprises soucieuses de « hacker » certains process RH (recrutement, formation, gestion des talents…) au CNAM et des pratiques managériales (réduire l’écart entre intention et action, oser le risque et le droit à l’erreur, favoriser adaptation et agilité…) à la Banque de France. La diversité des participants (âge, expérience, fonction, secteur…) a constitué une force indéniable dans la dynamique de créativité collaborative avec, cependant, une diversité plus grande encore au CNAM par la présence d’étudiants de Master RH et d’enseignants chercheurs. Les deux expériences ont respecté un processus structuré très similaire en plusieurs étapes : (1) Empathie : comprendre le défi qui est posé, connaître les autres membres de l’équipe, se mettre à la place du « client », (2) Idéation : Imaginer des solutions et décentrer, (3) Convergence : Sélectionner des solutions et se projeter, (4) Prototypage : Tester le prototype, anticiper la mise en œuvre et faire une évaluation, (5) Présentation : Préparer le « pitch » et le présenter devant un jury.

A la lumière de ces deux expériences et d’autres, les DRH peuvent apprendre beaucoup pour développer de nouvelles formes d’innovation collaborative.

Développer l’innovation collaborative RH grâce aux Hackathons

Sans en faire une panacée universelle, le recours aux Hackathons peut être vu comme une voie prometteuse pour les DRH soucieux de développer des innovations dans une dynamique collaborative et ceci dans un contexte où il est important, pour la fonction RH, de montrer l’exemple d’un fonctionnement plus transversal associant des acteurs multiples qui apportent des solutions nouvelles à des problématiques RH qui peuvent, pour certaines d’entre elles, être déjà anciennes. Deux raisons peuvent ainsi pousser les DRH à se lancer dans la mise en œuvre des hackathons : l’approche de « design thinking » qui est utilisée comme fondement méthodologique et la focalisation sur la notion d’expérience, ici plutôt celle du salarié devenant un client interne, sans oublier évidemment l’impact des innovations proposées sur le client externe, garant de la pérennité de l’entreprise.

Comme nous l’avions déjà souligné[4], en effet, le design thinking est une approche pouvant être utilisée par les DRH pour repenser les pratiques et les processus en s’appuyant sur une démarche collaborative impliquant une diversité de participants, les «intuitifs» et les «analytiques», faisant émerger des solutions innovantes. Mais ce qui est en jeu dans cette approche est la capacité des DRH de mettre l’expérience de leurs clients internes (voire externes) au cœur de leurs préoccupations dans la recherche d’innovations dans le domaine RH[5]. Ainsi, par exemple, pourront-ils privilégier la mise en avant de la dimension émotionnelle lors de la mise œuvre de micro-enquêtes, journalières ou hebdomadaires, de type « pulse » auprès des salariés en demandant par un questionnement très simple sur smartphone leur ressenti instantané et en mesurant les tendances sur plusieurs semaines voire plusieurs mois.

En définitive, l’intérêt principal pour les DRH de mettre en œuvre des Hackathons réside principalement dans le processus d’élaboration collaborative de solutions à des problématiques RH, démontrant ainsi la capacité de la fonction humaine à être exemplaire au-delà de la simple incantation.

Le collaboratif ne se décrète pas dans l’entreprise, aux DRH de montrer sa supériorité

Comme le disait il y a 35 ans Michel Crozier[6] en écrivant « On ne change pas la société par décret », de même les DRH peuvent mettre en évidence le fait que la révolution digitale n’est pas toujours synonyme de développement du collaboratif dans l’entreprise. Pour que celui-ci devienne une réalité, il est important de montrer la supériorité des démarches collaboratives notamment pour générer de l’innovation comme le sont les Hackathons RH. A charge pour eux ensuite de transformer l’essai pour que les solutions retenues améliorent sensiblement l’expérience du salarié au quotidien.


NDLR : Ce texte, reproduit ici avec l’aimable autorisation de l’auteur, a déjà été publié par la revue Personnel : http://www.andrh.fr/services/la-revue-personnel


[1] Victor C. & Babaci-Victor, L. : Révolution Digitale : transformer la menace en opportunités, Eyrolles, 2017

[2] Chesbrough, H. : Open Innovation, The New Imperative for Creating and Profiting, from Technology, Harvard Business Press, Boston, MA. 2003

[3] Dejoux, C. «1er Hackathon RH académique du 15 mars dernier au CNAM : une nouvelle façon d’innover», Personnel, Tendances, n°578, Mai 2017, p.34

[4] Besseyre des Horts, CH. : « Susciter l’innovation par le design thinking : quel rôle pour les DRH ? », Personnel, n°575, Janvier 2017, pp.88-89.

[5] Besseyre des Horts, CH. : « L’expérience, nouvelle boussole pour les DRH ? », Personnel, n°577, Mars-Avril 2017, pp.68-70.

[6] Crozier, M. : On ne change pas la société par décret, Le Seuil, Coll. Pluriel, 2ème ed, 1982

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