Le DRH, garant de la réussite à long terme de l’entreprise

Pourquoi est-il aussi rare que l’entreprise mette en œuvre une approche stratégique des ressources humaines ? La réponse réside au moins pour partie dans la tension qui existe dans la plupart des entreprises entre leurs besoins de moyen et long termes et leurs priorités de court terme.

La contradiction majeure

A l’âge de l’information et de la relation qui est le nôtre, c’est le travail du savoir qui conditionne de plus en plus la croissance économique et le développement de l’entreprise. L’importance du capital intellectuel devient plus évidente. La valeur est construite sur les talents individuels et collectifs, à partir desquels l’employeur peut générer durablement le profit. Pour qui analyse le fonctionnement de l’entreprise, l’affirmation selon laquelle « nos collaborateurs sont notre première richesse » n’a jamais autant constitué une vérité.

En parallèle, les priorités du business relèvent dans la plupart des entreprises du court terme et de « la ligne du bas », avec un impératif : générer un retour immédiat pour l’actionnaire. Pour de nombreux dirigeants, c’est là non seulement la priorité, mais aussi parfois la préoccupation unique. Et de ce fait, les thématiques de gestion des hommes sont très loin dans leur agenda. Elles ne sont alors traitées que comme des questions opérationnelles de court terme, et non comme des enjeux clés ou relevant de l’investissement.

C’est bien là, dans cette tension entre le besoin qu’a l’entreprise de travailler son capital humain pour se développer et cet impératif de court terme, qu’est la contradiction majeure. Chez certains dirigeants, notamment les DRH, cette situation peut constituer un véritable dilemme.

Réconcilier l’entreprise avec moyen et long termes

Ce qui est ici en cause, ce n’est bien sûr pas la nécessité pour l’entreprise de traiter les problématiques de court terme. Ni même de se consacrer exclusivement à elles dans certaines situations : quand la survie de l’entreprise est en jeu, il n’est bien évidemment pas question de se préoccuper d’autre chose.

Mais toutes les entreprises ne sont pas dans une situation difficile, y compris avec le contexte économique actuel. Il y a donc un véritable enjeu à ce que l’entreprise n’agisse pas exclusivement et en permanence sous ce seul pilotage du court terme.

Un parallèle peut être établi entre la remise en cause de la nécessité de construire une stratégie et l’absence d’une approche ressources humaines allant au-delà de réponses aux problèmes du quotidien. Dans les deux cas, l’entreprise ne devrait être que pragmatique et réactive. Combien d’organisations sont mortes pour n’avoir été que sur de la tactique opportuniste ?

Les logiques stratégiques ont par essence un caractère moyen et long termes. Sur les enjeux ressources humaines de fond comme le développement d’expertises, la construction de l’engagement ou l’évolution de la culture, les échéances sont également à moyen et long termes. Et c’est bien là, sur ces temporalités, que se fait la conjonction d’intérêt entre stratégie et RH. Aborder le terrain de la stratégie peut contribuer à ce que l’entreprise positionne la GRH comme elle doit l’être. Adopter les approches RH décrites plus haut aide à ce que l’entreprise traite mieux ses enjeux stratégiques.

Le positionnement stratégique de la fonction RH contribue de fait à résoudre la contradiction à laquelle est confrontée l’entreprise, entre les pressions court terme sur ses résultats et la nécessité de se projeter sur moyen et long termes. Elle l’aide ainsi à ne pas sacrifier l’avenir.

Quelle finalité pour l’entreprise ?

Si la logique qui positionne le profit court terme comme objectif central conduit l’entreprise à renoncer à toute ambition stratégique et humaine, faut-il aller plus loin et la remettre en cause ?

Rappelons que c’est à partir de la volonté d’organiser l’activité inventive qu’est née l’entreprise moderne, à la fin du XIXe siècle, et non de celle de maximiser la rentabilité des capitaux : le développement de la capacité stratégique et ce qu’elle génère, plus que le profit court terme. Par ailleurs, ce n’est que depuis les années quatre-vingt que les dirigeants n’ont d’autre choix que de s’aligner sur les objectifs des actionnaires, que ceux-ci visent le développement de l’entreprise ou qu’ils limitent au contraire la création des capacités futures par la recherche de profits immédiats.

Ces éléments nous ramènent à la responsabilité sociale de l’entreprise, avec notamment la posture « d’individualisme éclairé ». Les organisations qui l’adoptent défendent plutôt l’intérêt à long terme des actionnaires et considèrent que celui-ci peut profiter d’une gestion intelligente des relations avec les autres parties prenantes.

Faire la différence demain

Nous connaissons tous l’ampleur des défis auxquels les entreprises seront confrontées demain. Nous percevons tous les transformations du monde vers lequel nous allons, notamment dans l’environnement de l’entreprise, dans le travail et chez les collaborateurs eux-mêmes. Face à ces bouleversements, peut-on imaginer que l’entreprise continue à gérer ses hommes comme hier ?

Nombre de financiers considèrent que leur métier est de défendre l’intérêt de l’actionnaire. Nombre de commerciaux estiment que leur intervention vise à promouvoir les logiques du client. Nombre de DRH s’interrogent encore pour savoir s’ils sont des business partners ou des human partners. Avec des directeurs généraux qui se positionnent en arbitres entre ces différentes postures.

Faut-il considérer que les intérêts de ces différents acteurs sont irrémédiablement et systématiquement opposés ? L’entreprise doit bien sûr arbitrer au quotidien entre des logiques contradictoires, il n’est pas question ici de le nier. Pour autant, les pratiques de nombreuses entreprises montrent qu’il est possible d’aligner les propositions de valeur collaborateur, client et actionnaire. L’entreprise construit alors une approche intégrée dans laquelle c’est la création de valeur pour le collaborateur qui entraîne création de valeur pour le client, qui génère elle-même de la valeur pour l’actionnaire. Pour paraphraser le titre du livre de Vineet Nayar, « Les employés d’abord, les clients ensuite » : les employés d’abord, les clients ensuite, les actionnaires enfin, dans l’intérêt de tous. Observons que dans cette approche intégrée, le DRH est au début de la chaîne. Il est donc le mieux placé pour garantir son bon maillage.