En cette période d’incertitude et de risques accrus, une interrogation de fond se fait jour sous notre incapacité à nous forger un jugement éclairé. Sur bien des sujets, nous ne savons plus quoi penser !

Une des causes de cet état de fait est à mon avis que la problématique de l’accès au savoir est elle-même totalement bouleversée : 95% de l’information est disponible en accès libre. Elle est disponible de partout et en temps réel. Les outils et la technologie la rendent parfaitement mobile. Toutes les opinions possibles ont voix de cité. La vitesse d’échange ne laisse plus le temps du recul et de l’assimilation.

La difficulté n’est plus l’obtention de l’information, mais le discernement de l’information utile, voire de l’information vraie. Il faut désormais chercher la mélodie dans le bruit ambiant, un bruit qui devient souvent assourdissant. Le temps de l’information ne correspond plus au temps de la connaissance. Car le temps de la connaissance, immédiatement dépendant du fonctionnement de l’être humain et de sa nature, ne s’est nullement accéléré, lui ! Le temps du bien commun dans la construction sociale et politique non plus ! Dans ce que je peux observer, cette distorsion temporelle entre l’information et la connaissance peut très bien forger, paradoxalement, des individus incultes et des sociétés totalitaires…

L’entreprise est confrontée de plein fouet à cette évolution, qu’elle n’a pas songé à maîtriser parce qu’elle était trop occupée à tâcher de contrôler l’accélération foudroyante du business et du marché. La logique ultra libérale l’a précipité, comme un dommage collatéral, dans cet aveuglement. Dans son souci financiaro-opérationnel, elle n’a pas perçu que cette accélération-là était intimement liée à celle de l’information. Tout au plus a-t-elle pris conscience des problématiques d’intelligence économique. Mais les conséquences de la distorsion avec la connaissance individuelle et collective lui ont totalement échappé, alors qu’elle impacte aujourd’hui le cœur de l’activité.

Et c’est difficile de le lui reprocher, car les causes de cette distorsion sont, au quotidien, inapparentes. Chaque évolution socio-technologique ne s’est présentée au fil du temps que sous les dehors de nouvelles fonctionnalités pratiques et séduisantes. Nombre d’entreprises sont dépassées en la matière par des salariés qui ont évolué… sans en avoir eux-mêmes conscience ! Comme dans l’évolution du vivant, la fonction a créé l’organe, parce que l’outil est cause dispositive – incitative – et qu’il ne s’agit pas – contrairement aux apparences – d’un outil technique mais d’un outil cognitif ! Un outil qui touche donc à la créativité et à l’innovation du capital humain. Un outil qui touche aux possibilités mêmes de collaboration. Cet outil sépare aujourd’hui beaucoup d’entreprises de leurs salariés, parce qu’elles tardent à s’inscrire, dans leur matrice fonctionnelle, dans ce nouveau mode de vie, de vivant, d’organisme… d’organisation d’un autre type ! Un mutant contraint de vivre dans une société archaïque ne peut qu’être souffrant et devenir… révolutionnaire ! L’actualité nous renvoie à ce constat !

Pour une fois, c’est peut-être par le bas, par ses salariés, que l’entreprise va pouvoir prendre un tournant révolutionnaire, une révolution copernicienne : qui tourne autour de qui ? Quoi autour de quoi ? Les repères traditionnels deviennent obsolètes.

C’est peut-être bien cela, la révolution digitale ! Et nul ne sait exactement ce qui va en résulter. Il est urgent de prendre le temps… de la réflexion ! La révolution digitale appelle la philosophie !

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