L’enquête RH info

Au cours des derniers mois, RH info a réalisé auprès ses lecteurs une enquête sur la formation et son devenir. 278 d’entre eux ont répondu à nos 7 questions. Nous vous proposons d’en partager les résultats et de tirer quelques leçons clés qui nous apparaissent fort instructives.

Nous savons déjà, en effet, que la digitalisation bouleverse les pratiques ; que la transmission du savoir et le partage des connaissances prennent d'autres formes qu’auparavant ; que les mentalités ont évolué, tant chez les salariés que chez les employeurs ; que l'innovation devient aujourd’hui un enjeu crucial de la formation tout au long de la vie. Le rôle de la DRH change. Mais il est intéressant de rendre plus factuelles ces tendances que nous pressentons ou observons partiellement.

1) Pour 75,5 % des 278 répondants, la finalité de la formation est « l’amélioration de leur employabilité globale », et non plus l’acquisition de compétences actuelles nécessaires dans le poste occupé (9,4 %) ou une certification permettant une évolution hiérarchique ou statutaire (7,9 %). À ceux-ci s’ajoutent les 7, 2 % visant directement « un développement personnel pour changer de métier ou d’entreprise ». Ceci montre qu’en matière de formation aussi les frontières de l’entreprises se dissolvent : à plus de 80 %, les salariés pensent leur devenir sur le marché global du travail, et pas forcément dans leur entreprise actuelle.

2) Lorsqu’en face de ce premier constat on pose la question du statut de la formation dans leur entreprise, ils ne sont que 16,2 % à affirmer que « c’est une priorité et que leur manager veille à sa cohérence avec l’activité par des objectifs précis ». La majeure partie (37,4 %) y voient tout de même une cohérence RH « s’inscrivant dans le cadre d’une gestion anticipée des rôles et des compétences » ou bien (pour 10,8 %) dans « un process piloté sur fond de CPF et de CPA ». Il reste que pour 17,6 % des répondants, « les véritables formations se passent en dehors de l’entreprise » et pour que 18 % la formation « est laissée à la seule initiative des salariés ». Ce qui fait tout de même une majorité de salariés qui pensent que l’entreprise ne fait clairement pas de la formation une priorité stratégique.

3) Quand on en vient à la question de ce que sera la compétence clé de demain, ils sont 40,3 % à affirmer que ce sera « une capacité d’adaptation en temps réel », 25,5 % « l’aptitude à collaborer pour innover » et pour 7,9 % faire face « à un rôle complexe ». Certes 21,9 % cautionnent la définition traditionnelle du « savoir-faire/savoir-être »… mais ils ne sont que 4,3 % à viser « une maîtrise métier décuplée » ! C’est dire à quel point la notion d’agilité comportementale prend le pas, pour près de 3 salariés sur 4, sur l’expertise métier. Ce n’est évidemment pas sans conséquence en termes d’orientation de formation.

4) En creusant justement cette question sur la problématique de l’acquisition de nouveaux savoirs, la majeure partie 46,8 % ne l’attend plus des cursus dédiés d’entreprise, mais « en continu, de façon autonome, au fil de la vie ». Ils sont d’ailleurs 34,2 % à estimer que « l’objet de la formation n’est plus le savoir, mais le développement personnel » ; ce qui est assez en cohérence avec leur perception des compétences clés. Seuls 18,3 % des répondants affirment que la formation en entreprise est pour eux « le canal principal » d’acquisition de nouveaux savoir. Quant à penser que – comme on l’a lu et entendu si souvent – « le savoir est désormais disponible sur Internet », ils sont 0,7 % à le cautionner ! Ce qui fait tout de même apparaitre la conscience d’une vraie distinction entre information et savoir, et un discernement finalement assez rassurant vis à vis des sources de ce savoir.

5) Si l’on parle ingénierie de formation, en revanche, la variété des sources et des modalités constitue l’appréciation ultra dominante, avec 85,6 % des suffrages. A l’évidence peu de personnes croient encore au « tout présentiel » (4 %) ou aux pures solution e-learning cataloguées (1,4 %). Et si le coaching seul retient 8,3 % des répondants, ils ne sont plus que 0,7 % à estimer que les MOOC et COOC pourraient suffire comme méthode efficace. En phase avec l’idée que le savoir s’acquière essentiellement de façon autonome, au fil de la vie, c’est dans la complémentarité de tous les modes de formation qu’est probablement la voie d’avenir.

6) Tâchant donc de discerner ce que devrait être une politique de formation adaptée à la révolution digitale, 35,4 % des répondants répondent, comme on pouvait logiquement s’y attendre, « une anticipation sur l’évolution des métiers, emplois et rôles ». Plus étonnant, viennent juste après ces 22,9 % de salariés qui veulent que la digitalisation fasse intégrer dans la politique de formation « l’accompagnement de projets professionnels disruptifs et/ou personnels (engagement externe, mécénat de compétence, collaboration coopérative, structuration en réseaux, etc…) ». Et s’ils sont 13,8 % à penser que la digitalisation permet de « maintenir, par les nouveaux moyens technologiques, les compétences nécessaires », 17,5 % souhaiteraient que cela serve surtout à « développer les possibilités et les opportunités de collaboration interne des salariés ». Ils sont donc 40 % à souhaiter que la digitalisation ouvre les portes, en externe comme en interne.

7) Enfin, en interrogeant nos lecteurs sur le rôle que doit désormais tenir un animateur de formation, il n’y en a plus que 1,1 % qui le voient dans la posture d’un « enseignant » censé leur transmettre un nouveau savoir. La formation traditionnelle est belle et bien morte ! Encore une fois, le savoir est désormais acquis de façon autonome, tout au long de la vie. Les répondants attendent donc de leur animateur : à 55,8 % « un catalyseur/facilitateur d’accroissement des compétences » et à 37,4 % « un stimulateur de collaboration et d’innovation ». Il s’agit donc pour plus de 93 % d’entre eux d’une aide à l’agilité permettant à la fois de s’adapter, de mieux collaborer pour innover. Le schéma que nous avions proposé est en parfaite cohérence avec cette évolution de la formation.

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Conclusion

Comment interpréter ces résultats ? Il est clair que la formation professionnelle est en train de se décentrer de l’entreprise pour devenir un outil de développement et d’employabilité pour les individus… et même pour des collectifs collaborant en réseaux. Si les entreprises ne réagissent pas à cette évolution, elles risquent de ne pas être en mesure de structurer et assurer les compétences dont elles auront besoin demain. Dans un contexte d’agilité accrue et de digitalisation exponentielle – avec des automates pour assurer les tâches métiers répétitives –, les salariés ont bien compris que les compétences essentielles à acquérir devaient servir leur mobilité et leur rôle irremplaçable face à la complexité du monde. Ils font feu de tout bois et vont à toutes les sources utiles pour se structurer eux-mêmes un avenir possible ; un avenir qui passera quoi qu’il arrive par plus de collaboration, au service d’une dynamique d’innovation indispensable à la survie

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Tags: Bonnes pratiques